I - Le réveil de l'eau

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      L'obscurité. L'eau. L'odeur iodée. Le sol qui tremblait. La douleur. Jules paraissait, là, dans un sommeil brumeux. Il ne savait, malheureusement, s'il dormait, s'il respirait, s'il vivait. Il entendait l'eau résonner dans son esprit et couler dans son sang. Mais aussi des lamentations, lointaines, emportées par l'eau de plus en plus présente. Il était dans un état de paresse profonde, où la pensée délire, où le souffle chante, où le cœur danse. Jules ne savait où il errait, sans doute dans un monde mêlant le rêve et la réalité.

      Des rayons de lumière brûlèrent les yeux du jeune homme. Jules était bien en vie, mais sa tête lui paraissait si lourde, elle ne demandait qu'à exploser. Il sentit une terrible vague s'abattre dans son crâne. Une nouvelle, encore plus haute, effleurant les hauteurs des cieux, arriva. Jules était tétanisé par la douleur. La noirceur s'effaça peu à peu pour laisser place au réel. Des hurlements ne cessaient d'envahir l'ouïe de Jules. Il se demanda alors ce qu'il pouvait bien faire ici, mais il fut rapidement abasourdi lorsqu'il se rendit compte que le vide avait pris possession de sa mémoire. Il ne se souvenait que de son prénom. Jules. Ses souvenirs ne se résumaient qu'à du vide, qu'à un chaos sans nom. Ses poignets souffraient le martyre. Il leva la tête et constata qu'ils étaient attaqués par une corde les reliant à un piètre tuyau. Il devina qu'il était retenu ici depuis longtemps, d'après ses mains violacées. Jules essayait tant bien que mal de se sauver de cette étreinte, en vain. Il demeurait prisonnier.

      La terreur l'habitait. Une frénésie de questions dévora ses songes. Que faisait-il ici ? Comment pouvait-il sortir ? À qui appartenaient ces cris ? Pourquoi avait-il tout oublié ? Tant de questions sans réponse l'abattaient. Il espérait tant bien que mal trouver une solution à toutes ces impasses. Hélas, le demi-tour semblait relever de l'ordre de l'impossible.

      Jules scruta son nouvel environnement, sa nouvelle demeure. Une marque d'angoisse s'évada de son gosier lorsqu'il vit, face à lui, une phrase - une sorte de maxime - peinte en rouge carmin, sur le mur se dressant devant lui.

      Nous cherchons tous à rattraper le temps perdu. Mais a-t-il vraiment commencé ?

      Que voulait-elle dire ? Jules n'en savait décidément rien. Ce raz-de-marée d'interrogations lui donna le vertige, comme s'il avançait sur une misérable corde au-dessus d'un gouffre profond. Un hublot était encastré à côté de cette mystérieuse bribe. Le jeune homme parvint à y percevoir la houle des vagues qui venaient s'écraser sur la vitre. Elles virevoltaient, elles allaient de gauche à droite et revenaient sur leurs pas. Voilà d'où provenait l'eau. Face à lui s'offrait une prestigieuse valse marine. L'eau se transformait en une puissance invincible et colérique, sans aucune limite. Cependant, une nouvelle interrogation surgit subitement dans son esprit, venant compléter les précédentes : que faisait-il dans un bateau ?

      Sa gorge se serra et son cœur palpita. Après avoir pris une grande respiration, il se décida à continuer du regard cette malencontreuse visite. Jules gisait dans une pièce sinistre, dans une sorte de placard, certainement. Seuls lui, l'inscription et un capharnaüm de tuyaux habitaient les lieux. Le jeune homme en eut la chair de poule. Il lâcha des cris, imperceptibles, détruits par la détresse.

      Il était totalement perdu, dans un monde inconnu, flottant sur une eau infinie.

      Jules essayait de comprendre ce qui lui arrivait. Il se concentra, canalisa sa respiration et reprit tout depuis le début. Le vide fut sa seule réponse. Il était totalement paniqué : il se pinça, hurla et tenta de se délivrer. Mais les résultats semblaient décevants. Il ne comprenait rien, cette phrase qui s'imposait devant lui, ce bateau, son amnésie. Néanmoins, il n'était certain que d'une seule chose : un cauchemar était bel et bien en train de commencer.

      Ces réflexions ne durèrent que peu de temps. Elles furent interrompues par des toussotements suivis de jérémiades, provenant du coin de la pièce, cachés par la plomberie infernale.

      Jules n'était visiblement pas seul à bord.

      Il y avait d'autres passagers.

      Il y avait d'autres passagers

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Baptiste.

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REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant