XLIII - La vie d'un grain de sable

100 13 6
                                    


Ils étaient tous en cercle, sur le sable, animés par la musique des vagues se brisant sur le rivage et éclairés par une luisante lune. Jules les observait chanter, rire, se charrier. Ces hommes ne faisaient rien de mal. Ils obéissaient tout simplement à leur patron pour défendre leur honneur et gagner leur vie. Jules songeait à abattre Aaron, ce chef détruit par sa folie.

« Pourra-t-on réunir Revival et Revelum, un jour ? Une vie en communauté est-elle réalisable ? Il faut qu'on les aide. »

Mais Jules douta sur l'infidélité de ces hommes. Ils étaient heureux de suivre ce chemin de vie. Pourquoi changer et suivre un adolescent ? Jules était réaliste : ce mariage n'était qu'une vulgaire utopie. Le monde d'aujourd'hui ne se montrait être qu'une conquête à la puissance. Le plus fort gagnait. Le plus faible disparaissait.

Jules sentit l'air se rafraîchir. Ses poils se hérissaient. Ses lèvres tremblaient. Il se leva et se dirigea vers l'hélicoptère pour trouver quelque chose qui pourrait le réchauffer mais un des hommes lui prit la main et le força à s'asseoir.

- Ne t'en vas pas, l'ami. Fais la fête avec nous.

Jules opta pour ne rien dire. Moins il se faisait remarquer, mieux il se portait. Il colla ses bras sur son torse et se réchauffa comme il put. Il huma l'air iodé qui se gambadait sous ses narines et attendit. Cette fête improvisée dura une éternité. Les hommes braillaient. Jules était perdu au milieu de ce raz-de-marée de conversations aux sous-entendus machistes. Alors qu'ils allaient décider à dormir, un d'entre eux sortit de l'hélicoptère avec une caisse remplie de boissons - par chance, ce n'était pas celle qui permettait à April de se cacher. La fête était loin de s'achever et Jules lâcha un soupir aussi puissant qu'un ouragan. Les liquides coulaient à flot, la fête battait son plein.

Jules se métamorphosa alors en sablier. Il décolla un de ses chauffages précaires de son corps et prit une poignée de sable. Le jeune homme laissait les grains s'échappaient et admirait cette cascade dorée aux nuances d'argent. Puis, il leva les yeux et contempla le toit du monde. Quelqu'un y avait déposé à foison une quantité astronomique d'étoiles. Elles étaient si silencieuses. Jules se demanda s'il y avait plus d'étoiles que de grains de sable emprisonnés dans sa main. Il aurait aimé rejoindre ces étoiles, quitter ce monde beaucoup trop bruyant et dangereux. Sauter d'étoile en étoile, filer, oublier le temps, laisser de côté les misères et les mystères et abattre les peines. Mais Jules se rendit à l'évidence : il n'était qu'un homme, cloué sur le sable, seulement capable de rêver d'évasion. Il n'était qu'un grain de sable insignifiant noyé par l'immensité de l'univers.

Le vacarme s'estompait peu à peu pour laisser enfin place au silence. Tous s'endormirent à tour de rôle et Jules, lui aussi, se sentit kidnappé par Morphée. Mais quelque chose le retenait éveillé. Le jeune homme n'était plus persuadé de rien. Le flou avait pris possession des lieux. Il crut entendre un son lointain. Un étrange bruit naviguant sur les vagues. Jules se leva, et ne vit rien. Hormis la voute céleste illuminant faiblement le paysage. Tout paraissait si paisible. Jules bailla aux corneilles et se rallongea. Le jeune homme changea maintes et maintes fois de positions. Son cerveau fulminait. April. Sa mission. Lui. Aaron. Eux. Une rude bataille sans fin se déroula dans la tête de Jules : d'un côté ses pensées éparpillées et de l'autre Morphée.

Un autre bruit. Plus près celui-ci. Toujours voguant sur l'eau. Jules se leva et alla réveiller Stan, qui se trouvait à l'opposé du cercle. Ce-dernier grommela et lui susurra qu'il avait rêvé.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant