XLI - À la recherche de la boussole

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      Jules crut se noyer dans cet amas de testostérone et étouffer dans cet infâme agglomérat de transpiration. La balade dans la jungle avait laissé sa trace. L'appareil avait beau être volumineux, il lui était difficile de loger tout ce troupeau. Mais l'engin avançait, tant bien que mal, survolant les flots et dévorant les nuages.

      Le jeune homme était plaqué contre une des portes. Il n'avait qu'une crainte : que celle-ci s'ouvra et l'envoya valser dans les airs. Pour combler son anxiété, mais aussi pour oublier les courbatures qui se réveillaient, il lut tout ce qui lui tomba sous la main. Alors que les notices d'utilisation du treuil l'émoustillaient, Jules fut interrompu par une main posée sur son épaule droite. Surpris, le jeune homme se transforma en statue. Il n'était qu'un intrus, qu'une resplendissante petite souris innocente aux jolies petites moustaches au milieu d'une meute de chats velus assoiffés de sang de rongeurs. Ses symptômes de panique refirent surface. Gorge serrée, il lorgna et découvrit une main parsemée de petits poils blancs. Jules souffla, évacua toute sa crainte.

      - Regarde, Loup, lui dit finalement Stan, l'homme aux poils blancs, en montrant du doigt le spectacle qu'offrait la nature.

      Jules leva la tête et remarqua qu'il se trouvait aux premières loges d'un tableau animé à couper le souffle. Le ciel prenait de plus en plus des teintes orangées bien que le bleu faisait résistance. Quelques nuages rosées gambadaient le long des cieux et surplombaient la parade suave des oiseaux. Les moins téméraires palpaient la mer, reflétant cette œuvre enchantée. Le tout était orchestré par l'imposant soleil qui entamait ses dernières heures afin de laisser place à sa timide consœur. Une larme épousa le sourire du jeune homme.

      « April... »

      Jules aurait voulu profiter de ce moment avec elle. Il repensa à son baiser, en haut de l'Arbre. À son premier baiser. Ils étaient unis, l'un l'autre, devant le même spectacle. Il ne savait même plus quand c'était. Jules n'avait plus aucune notion. Mais aujourd'hui, le jeune homme ne pouvait partager cet instant avec sa moitié. Elle lui paraissait si loin alors que quelques mètres seulement les séparaient. Jules aurait tout donné pour la retrouver, pour l'embrasser, pour l'enlacer. Pour lui dire combien il l'aimait. Elle était sa boussole. Sans elle, Jules était perdu. April lui indiquait toujours le chemin du bonheur. Son amour gomma toutes les interrogations qu'il avait d'elle il y a à peine quelques heures.

      Jules mit sa main contre la paroi pour mieux contempler le paysage et pour oublier sa peine. Mais le pilote de l'hélicoptère interrompit cette parenthèse magique, d'une voix rauque et imposante, voire intimidante.

      - L'engin est out, les gars. Plus d'essence. Plus l'hélico est gros, plus il consomme. Ce putain de p'tit de la maintenance a encore oublié de faire le plein. Toi là, va voir au fond s'il n'y a pas des réserves.

      Jules trouva la demande ridicule. En effet, il faudrait des centaines de bidons pour revivifier l'appareil. Mais le jeune soldat indiqué, qui semblait bien craintif, s'exécuta. Il se fraya un chemin au milieu de toutes ces brutes et se dirigea vers le fond. Vers April.

      Jules n'avait décidément aucune pause. Le rôle d'ange gardien était loin d'être un métier à mi-temps.

      - Laisse mec ! Je vais le faire ! Viens admirer le spectacle plutôt !

     - Oui mais Georges m'a obligé.

      Le jeune regarda dans tous les sens et s'approcha de l'oreille de Jules.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant