X - Meaunotonie

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      Le bateau voguait vers l'inconnu et combattait les vagues, tel un lion traquant l'horizon. D'ailleurs, ce dernier ne cessait de s'étirer. Il y avait de l'eau à perte de vue, comme si les continents avaient sombré chacun leur tour dans les profondeurs obscures de l'océan. Le temps, lui aussi, semblait être infini. La solitude se faisait de plus en plus ressentir pour Jules. La réalité demeurait plus que réelle. Le jeune homme avait le sentiment de se trouver dans une prison où tout était mort, sauf lui et ses deux nouveaux partenaires. Il admit peu à peu sa nouvelle vie et se fit à l'idée d'être un rescapé. 

       « Chanceux ou malchanceux ? »

       Jules était las d'être contraint de contempler le même paysage, encore et encore, et de vivre dans l'inquiétude. Des visions du Testeur se chamboulaient dans sa tête à chaque bruit suspect que produisait le moteur du bateau. Chacune lui glaçait le sang. Jules aurait tout donné pour ne plus jamais se retrouver en tête-à-tête avec l'Hydre des temps modernes. 

       Jules, même après son évasion, gisait en prison.

       Le stock de ressources se réduisait à vue d'œil, contrairement à l'appétit de Jules. Les tambourinements de son ventre rivalisaient avec les cris du Testeur. Cependant, le jeune homme respecta à la lettre les consignes imposées par Clara. 

       – Une gorgée d'eau pour chacun au lever et au coucher du soleil, ainsi qu'une autre lorsqu'il atteint son zénith, répéta-t-elle avec entrain chaque jour. Nous profiterons de lui pour se remplir l'estomac.

        Le zénith. Jules commençait à le haïr. Le soleil le frappait sans interruption et l'asséchait comme une banale plante. Il se devait de retirer son haut – qui avait pris une couleur jaunâtre laissant deviner une forte sudation – et de le déposer autour de sa tête. Il savait que cela ne lui était d'aucune utilité, mais cette action l'occupait. Durant dix secondes, mais c'étaient dix secondes de moins d'ennui. Clint l'imiter et laisser transparaître un bandage maculé de pourpre autour de son bassin. Jamais Jules n'avait entendu Clint se plaindre de sa blessure. 

       « Je ne t'ai plus jamais entendu, d'ailleurs... »

       Il se changeait quotidiennement son pansement, sans broncher et dans son coin. Clint était encore plus seul au monde que ses deux compères.

       Ce matin, au réveil du soleil-assassin, après avoir bu sa précieuse gorgée, Jules prit son couvercle de boîte de conserve et grava une septième barre sur la coque rouge du bateau. Il rejetait l'idée de perdre quelque chose. Ici, la notion du temps. Sept jours sur ce piteux bateau à attendre la fin. Une fin mystérieuse où nul ne savait ce qui lui attendait.

        Une routine s'était installait rapidement sur le canot. Clint restait dans son coin, aux commandes de l'appareil. Jules n'entendait même plus le ronronnement perpétuel du bateau, tant il en était habitué. Lui et Clara, eux, tuaient le temps. Ils se trempaient les pieds, ils cuisinaient des choses qui ressemblaient à tout sauf à de la nourriture,  ils se trempaient à nouveaux les pieds, ils faisaient les cent pas, ils lisaient les manuels de survie, ils re-cuisinaient, ils s'ennuyaient. Les trois rescapés de l'Attaque se devait d'affronter le sablier placé à l'horizontal.

       Alors que le soleil atteignait son point culminant, Clara accrocha à deux cannes à pêche deux morceaux de nourriture non-identifiable.

       – Une petite partie de pêche ? proposa-t-elle pleine d'enthousiasme.

       Jules prit une canne et fit son premier lancer de sa nouvelle vie. Le bouchon orange vif se moqua de lui lorsqu'il atterrit seulement à quelques centimètres du canot. Le jeune homme soupira. Il avait tout oublié. Même les gestes les plus simples. 

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant