XLVIII - L'amertume du regret

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Jules observa attentivement les soldats afin d'essayer de s'extirper de ce terrible mauvais rêve. Le jeune homme se sentit vaseux. Il se leva et eût l'impression que ses jambes s'étaient transformées en coton, comme s'il flottait encore dans les airs. Il tituba tel un éclopé et se pencha sur une des fenêtres de l'appareil. Le soleil semblait avoir atteint son zénith. Le néant se trouvait sous ses pieds. Il n'y avait rien à des kilomètres à la ronde, hormis quelques arbres se battant pour combler le vide ainsi qu'un sol totalement desséché. Jules en eût un frisson dans le dos, bien qu'il soit habitué à la solitude.

Après avoir regagné ses esprits, il repensa à ce rêve qui l'avait tant hanté il y a quelques minutes. Le jeune homme revit alors se dessiner dans les nuages la tête de sorcière qu'avait April après avoir appris la nouvelle. Il aperçut dans le ciel des larmes remplies de haine se verser violemment sur la terre. Jules secoua la tête pour mettre fin à cette terrible hallucination. Son cauchemar le tourmentait, même réveillé. Il sentit son cœur palpiter. Sans s'en rendre compte, aveuglé par le désarroi, il se mordit les lèvres jusqu'au sang et serra les poings si fort qu'il avait laissé des traces en forme de croissant sur ses paumes. Jules s'en voulait. Terriblement. Il ne devait rien dire à sa bien-aimée pour ne plus jamais revoir cette image diabolique.

Enfin, le jeune homme devina derrière un nuage la tête de Rose, avec son pervers sourire de l'ange maculé de sang. Jules se rassit et sortit quelques jérémiades inaudibles. Elle obstruait ses pensées, elle le dévorait de l'intérieur. Cette fille l'émerveillait, certes, mais l'effrayait. Elle n'était qu'une vulgaire inconnue au talent d'orateur incontestable. Il se trouvait à l'orée d'un carrefour des plus cornéliens : soit il empruntait la voie de la sagesse soit la voix de la folie. Jules ne put se décider.

« Je suis à bout. Comment je peux lui faire confiance ? Elle est si fragile, si délicate, si belle. Elle ne peut pas faire du mal. Mais elle n'a pas de famille, elle a eu un partenaire laissant des cicatrices à vie : elle est trop instable. Mais je ne peux plus m'arrêter de penser à elle. Elle sait tout de nous, elle peut nous balancer à tout moment comme nous aider. Je sais plus... »

Jules soupira et laissa entendre un Bordel. Il mit ses mains sur sa figure et sentit un goût quelque peu métallique rentrer en lui. Il n'avait cessé de se mordre les lèvres, détruit par le stress. Il craqua et enterra le nouveau Jules. Encore.

Toutes ces épreuves depuis son réveil n'étaient pas faites pour lui. Il était trop sensible, trop faible face à ce monde qui ne cessait de le ménager. Jules se sentit encore plus seul au monde. Cependant, une main se déposa sur l'épaule de l'être recroquevillé. Jules leva les yeux. Stan. Avec un sourire débordant d'empathie. Le doyen s'assit à ses côtés et attendit que le jeune se confesse. Jules, avec la voix tremblante, lui expliqua tout, sans omettre un détail. Tel un fils à son père. Stan ne le quitta des yeux. Une aura bienveillante émanait de lui. Il voulut le prendre dans ses bras pour le réconforter, lui montrer tout son soutien, mais il ne devait pas éveiller le moindre soupçon. Il se contenta alors de lui chuchoter :

- Je ne la connais pas, Jules. Mais si elle était du côté de Revival, je doute qu'elle t'aurait fais toutes ces confessions. Mais on n'a plus le temps de la mettre à l'épreuve. Si ça se trouve, notre bonne étoile, Jules, c'est elle. Et si celle-ci devient filante, si elle retourne à leurs côtés, on l'oublie. Je me souviens d'une citation que j'avais lue dans un livre : il paraît qu'il vaut mieux monter dans le train que de ne jamais l'avoir pris. La vie est faite de risques, Jules. Nous devons tout faire pour nous battre, atteindre notre objectif. Lorsque l'on veut très fort quelque chose, tout l'univers conspire à ce que nous l'obtenions.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant