V - Théâtre apocalyptique

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      À l'annonce de cette frappante nouvelle, Jules se sentit encore plus perdu et impuissant, telle une plume piégée dans un ouragan assassin. Il venait de plonger dans un monde post-apocalyptique et voilà qu'il devait affronter une créature qui était à la cause de l'extinction de l'humanité, avec deux jeunes inconnus. Son destin était scellé.

      – Et maintenant ? s'égosilla le jeune homme, les mains sur la tête. On fait quoi ? On reste ici dans l'eau ? Ou bien on sort faire la fête avec ce truc ? Hein ? Réveille-toi Jules, je t'en supplie, réveille-toi. Et vous deux ? Pourquoi vous paniquez pas ? Bande de tarés !

      Jules se colla contre la porte et observa ses deux nouveaux camarades qui affichaient chacun un sourcil arqué. Clint gravit brusquement les quelques marches qui les séparaient et lui empoigna son T-Shirt.

      – C'est toi le taré. Maintenant, tu vas te calmer.

     Il affichait un regard encore plus menaçant que le Testeur qui rôdait à l'extérieur du navire. Néanmoins, Jules put y discerner deux braises d'inquiétude qui vacillaient au fin fond de ses rétines.

     – Écoute-le, Jules, souligna mielleusement Clara. Ça me démange de l'admettre, mais il a raison.

      Clint sursauta sauvagement face à la pique de la jeune femme. Il lâcha le jeune homme et fonça sur Clara. Mais celle-ci l'esquiva délicatement et déposa son index sur ses lèvres. Le colosse se figea net, les nerfs en ébullition. Jules ne put cacher son sourire moqueur.

      – On doit se calmer, poursuivit-elle. La panique ne va résoudre en rien nos problèmes. Au contraire... On va devoir vivre, non, survivre ensemble.

      – Mais Clara, comment tu fais pour rester autant calme ? On va périr ici, et tu ne perds aucun espoir. Dis-moi ton secret ! Je rêve, c'est ça ?

      – Retire-toi cette idée de la tête Jules. Rien ne sert d'espérer bêtement. Cette idée me fend le cœur au plus haut point, mais c'est comme ça. Depuis le réveil, j'ai ce goût âpre qui baigne dans ma bouche. J'ai envie de rêver, de retrouver ma famille, de rire. Mais tout ça, c'est fini. Cette vie est morte. Mais j'ai ce quelque chose en moi qui me dit de me battre. Je ne sais pas encore quoi. Mais je veux l'écouter. Et je sais que j'aurai besoin de vous pour commencer cette nouvelle triste vie.

      Jules restait désemparé. L'état de Clara n'était pas normal. Elle n'était rien d'autre qu'un mirage. Elle s'exprimait comme de rien : tout avait l'air serein. Selon lui, Clara ne parvenait à voir la réalité en face. Il était dans le déni. Mais elle aussi. Quant à Clint, il s'était assis sur une marche et avait retiré son masque de caïd. Il était figé, tout comme le temps qui était en train de s'écouler. Une statue d'un martyr se trouvait aux pieds de Jules. Le jeune noir semblait vide d'âme : regard éteint, bouche entrouverte, souffle disparu.

      Jules captura une grande bouffée d'air, serra son poing et se lança, troublé par les hurlements qui provenaient de derrière la porte.

      – Mec, je sais que t'as peur. Clara aussi. Moi aussi.

      Le jeune homme avait pris la même intonation que sa camarade auparavant. Il mordilla sa lèvre. Le mur en pierre fonça droit sur lui. Il ne savait quoi raconter. Empathique ou hypocrite, Jules ne savait plus qu'il était.

      – Euh... Mais nous devons nous serrer les coudes. Il est humain d'avoir peur, mais il est humain de s'entraider mutuellement...

     –  ... Tu sais quoi de l'humain, au juste ? coupa-t-il de façon véhémente. On ne se souvient de rien. Rien. Tu comprends ça ?

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant