XLIV - La rose rousse

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Jules, la tête lourde pareille à une enclume, chavira dans l'antre du sommeil. Lorsqu'il rouvrit les yeux, le décor avait totalement changé. Le ciel avait ôté sa robe de corbeau pour se vêtir de sa robe de colombe. Quelques rayons de soleil éblouissaient les prunelles du jeune homme encore endolories. Ses paupières luttaient autant que la pénombre qui ne voulait pas s'évaporer. Le jeune homme chercha directement la mystérieuse silhouette, en espérant qu'elle n'eusse été qu'un mirage. Jules se leva avec difficulté, meurtri par une vague de courbatures. Le sable n'était pas le meilleur des matelas. Ses collègues dormaient encore, d'après leurs ronflements incessants. Sauf un. Jules reconnut ce visage. Ce n'était pas un mirage.

- Bonjour Jules, répéta-t-elle, sur un ton plus que jovial.

Jules restait abasourdi. Il voulait se rendormir, mais il ne pouvait échapper sans cesse à la réalité. La jeune inconnue, au corps svelte et élégant, mit un doigt sur sa bouche pour imposer le silence et lui tendit le bras. Jules le saisit pour se relever et la suivit. Il ne comprenait rien. Celle-ci demeurait être une sirène : il ne put résister à son appel.

- Je suis ton amie, Jules.

Ce-dernier errait dans un labyrinthe dont il ne détenait la clef. Il avançait encore et encore, mais il était totalement perdu. Il se prit une vague d'amertume lorsqu'il repensa à son ami parti au clair de lune. Sa gorgée se serra et ses yeux le brûlèrent. Il avait tant pleuré que plus rien ne sortait, hormis son plus grand désarroi.

Il fixa la carcasse du Testeur, gésir à la surface de l'eau. Il eût envie de hurler mais l'inconnue le retint. Le jeune homme huma ses mains et se laissa embaumer par les effluves délicieuses qui se dégageaient de celles-ci. Jules se retourna et l'observa attentivement. Les rayons du soleil illuminaient son visage.

- Je suis l'enfant du Soleil, t'as vu ?

Elle pouffa et Jules tenta d'esquisser un sourire pour ne pas la laisser seule dans son euphorie. Son rire laissait apercevoir des dents encore plus blanches que la neige. Elles étaient cachées par une bouche lâchant un rire mélodieux. Son nez, ainsi que ses joues, étaient parsemés d'un champ de poussières rousses. Mais ce qui frappait le plus le jeune homme, c'était la puissance de son regard. Deux émeraudes se nichaient dans ses yeux. Avec sa coupe à la garçonne, à la couleur d'un crépuscule, elle semblait être un homme.

- Je n'ai jamais parlé devant ces machos, lâcha-t-elle, comme si elle lisait dans les pensées de Jules. Je ne sais même pas s'ils m'ont déjà remarquée.

Effectivement, Jules ne l'avait jamais aperçue. Il l'examina et en déduit qu'elle avait sûrement le même âge que lui.

- Je suis une petite souris. Je me fais discrète, je vis avec eux. Je vis comme un homme pour ne pas me faire remarquer. Je suis le virus de Revival.

Jules ne saisissait pas le moindre mot de ce qu'elle disait.

- Je t'expliquerai bientôt. Mais fais-moi confiance. J'espère que Stan et April sont plus bavards que toi.

Jules se frotta les yeux afin de voir si ce n'était pas une illusion. Mais après une nuée de petits points noirs, la jeune fille se trouvait toujours devant ses yeux. Il voulait courir tel un lâche pour fuir les problèmes. Revival l'avait démasqué. L'organisme allait lui ouvrir le ventre et des milliers de Jules allait peupler sur la planète. Jules fit volte-face et piqua un sprint pour prévenir Stan. Mais il ne put esquiver le tacle de l'inconnue. Jules chuta et mangea le sable.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant