(FIN) LXX - Liberté

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Le nom de Stan résonnait dans toute la pièce. Jules eut l'impression que chaque écho empirait, que chaque répétition tordait un peu plus son misérable cœur. Cette funeste nouvelle sonnait comme une évidence enfouie dans l'inconscient du jeune homme. Plus aucune bribe d'espoir l'animait : l'espoir était mort depuis bien longtemps. À ce jour, l'obscurité primait. Aucune lueur, aucun éclat n'existait. Jules le savait. Stan n'était plus de ce monde lui non plus. Mais une entité inconnue - sans doute la naïveté - le poussa à espérer.

- Stan ! hurla-t-il avec une rage déconcertante trahie par les larmes qui chutaient en abondance. Stan ! Ne me laisse pas ! P... Papa ! Papa !

Il avait fallu attendre son dernier soupir pour l'appeler ainsi. L'être humain ne savait pas profiter de l'instant présent. Cependant, il n'arrivait plus à avancer, alourdi par le sac à regrets qui ne cessait de croître.

- Papa ! Papa !

Les plaintes de Jules montèrent en crescendo. Cela le rendait fou de ne pas pouvoir le voir et le prendre dans ses bras, de sentir une dernière fois son odeur, de ne pas frémir une ultime fois lorsqu'il respirait sur sa peau.

- Papa ! Tu es mon père, je le sais ! Ton sang coule dans mes veines, c'est une évidence. Ta force, ton courage, ton empathie, tout cela réside en moi. S'il te plaît, nous allons nous battre ! Ensemble ! Nous retrouverons une île, nous bâtirons une cabane et nous rattraperons le temps oublié. Nous nous soutiendrons dans les moments difficiles, nous dessinerons une nouvelle vie. Tu prendras le pinceau du bonheur, moi le crayon des souvenirs. Nous combattrons l'inoubliable. Ensemble. Parce que tu es mon reflet, tu es...

Jules déglutit difficilement, étouffé par le lac salé qui avait pris place dans sa bouche.

- Parce que tu es mon père.

Tout se chamboula dans la tête de Jules. Il ne parvenait plus à rester en place mais il n'avait plus aucune force pour se débattre, pour lutter. Il ne pouvait que s'exprimer, mais il savait qu'il ne racontait que des chimères, que sa douleur le faisait voyager dans un monde onirique. Le jeune homme était contraint de subir l'horreur. Clint, Leen et Noah avaient perdu la partie depuis longtemps, April gisait à ses pieds, Law jonchait le sol, maculée de sang, Rose croupissait dans l'eau brûlante et Stan franchissait la frontière de la mort. Lui, il se trouvait au beau milieu de ce spectacle infernal, de ce ballet mortel, perdu dans tous ces mensonges, ces leurres et ces vérités. Jules aurait tout donné pour s'arracher les yeux afin d'arrêter de regarder les horreurs de ce monde. Mais la peur de souffrir le tétanisait. Il colla alors ses mains contre ses yeux et cracha ses tripes et son désespoir.

Aaron claqua du doigt. Un garde sortit une seringue enfermant un liquide transparent et s'approcha du corps de Stan. L'action ne dura que quelques secondes. Aaron, en un claquement de doigt, pouvait obtenir ce qu'il voulait et était maître de la vie. Jules, durant toute son existence, ne pouvait obtenir que de la souffrance.

- J'espère que le vieux réagira à ce dernier sérum, confia l'homme aux gardes. S'il le rejette, tout le travail tombera à l'eau.

- Il s'appelle Stan ! corrigea Jules de toutes ses forces. Et cet homme, c'est mon père. Mais pas que. Stan est une personne incroyable pleine de ressources. Je me souviens de notre première rencontre. Il voulait m'éliminer parce que vous lui avez pourri le cerveau. Mais la nature avait repris le contrôle. Nous nous sommes très vite rapprochés parce que ça sonnait comme une évidence. Il est mon père. Je suis son fils. Nul doute. Et vous le savez très bien. Il était prêt à tout pour moi, même à se sacrifier. Et voilà où je l'ai mené.

Le jeune homme se tut, bâillonné par l'amertume du regret. Aaron, lui, rit aux éclats. Il s'approcha lentement de Jules et posa son index sur le front de ce-dernier.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant