XXXIX - C'est l'histoire de la vie

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      Jules n'eut même pas le temps de sentir son cœur palpiter que la horde de soldats s'était lancée à l'assaut de la jeune fille. Le jeune homme se trouvait au sein d'une meute de sauvageons qui poussaient des cris bestiaux, telle une meute de lion enragés. Il se frotta les yeux énergiquement, en espérant que toute cette scène ne s'avérait être qu'un simple mirage, résultat du fruit de son imagination. Mais la réalité battait l'espérance. April gisait-là, à la lisière de la modeste jungle, à la portée de tous les regards. Même un malvoyant l'aurait aperçue.

      Le jeune homme ne put réfléchir à tout ce qui se passait. Bousculé par la dizaine, - ou bien la centaine, Jules n'était plus sûr de rien - de soldats, il ne put réfléchir à tout ce qui se passait. Enfin, pour ne pas que l'on démasque son subterfuge, Jules devait imiter ses nouveaux acolytes éphémères, au moindre geste. Sa nouvelle mission lui tranchait le cœur : capturer sa partenaire. Son amour. Sa moitié.

      Dans sa course tumultueuse, Jules chercha Stan du regard. Il avait besoin de soutien, d'aide, de réconfort paternel dans cette situation plus qu'ambiguë. Jules ne comprenait rien, et lorsqu'il trouva le doyen, il se rendit compte que lui aussi. Ils baignaient dans le plus grand des doutes. Ils nageaient dans une rivière polluée d'incertitude. Que faisait April ?

       Jules commençait à haleter. Cette chasse l'épuisait. Il fut surpris de voir que personne n'essayait de tirer. Ils couraient, seulement.

      « Pourquoi ils tirent pas aujourd'hui ? Ils ne nous avaient pas fait de cadeau, à notre arrivée sur Azzula... »

      Le jeune homme chassa ses interrogations afin de chasser sa petite amie. Il tenta de pousser un cri, afin de se fondre dans la masse, mais rien ne sorti. Sa gorge était bien trop nouée. Il n'était qu'un lionceau perdu au milieu de la meute. Jules ne pouvait communiquer avec Stan. D'une part, ils doivent jouer la carte de la discrétion. D'une autre part, la communication serait brouillée dans ce capharnaüm ambulant. Jules demeurait seul face à lui même. Il devait montrer de quoi était capable le nouveau Jules. Celui qui n'avait peur de rien. Celui qui était rusé. Celui qui ne se laissait pas dominer. Jules se creusa les méninges et rien ne vint. Tel une marionnette, ses jambes s'emballèrent et piquèrent une accélération afin de mener le peloton. Il laissa faire son corps, ne contrôla plus rien. Jules misa tout sur ses talents d'improvisation.

      - Arrêtez-vous les gars ! hurla de toutes ses forces le jeune homme, avec une voix ferme et autoritaire, afin de se faire entendre par tous, inclue April.

      La troupe se stoppa d'un pied ferme. Le lionceau était devenu désormais le roi des lions. Jules voulut se frapper. Il ne savait quoi dire. Mais il était trop tard maintenant. S'il ne trouvait rien à raconter, ses sujets le mutineraient. Jules observait Stan, qui était devant la troupe. Ce-dernier ferma les yeux et hocha de la tête, afin de lui accorder toute sa confiance.

      - La fille que vous.. que nous avons vu, c'est bien une des survivantes d'Azzula. Mais elle est maligne, les gars. Elle est armée jusqu'aux dents. Elle, et ses deux amis. Ce n'est qu'une adolescente, mais elle est aussi sauvage et destructrice qu'un Testeur.

      Jules avait beaucoup tiré sur sa voix, et celle-ci chavira sur le dernier mot. Cette créature lui véhiculait une vague de frisson. Rien que le nom lui donnait la nausée. Mais il ne pouvait interrompre son discours.

      - Nous devons y aller doucement. Foncer tête baissée n'entraînera que notre disparition. Nous devons nous montrer plus rusés qu'elle. Avec euh.. mon ami, nous connaissons déjà l'île comme le fond de notre torche.. poche.

      Jules, pris par cet élan fugace, buta sur des mots et en devenait parfois ridicule. Il devait gagner en crédibilité. Il toussota afin de reprendre ses esprits et continua son exposé.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant