LIV - Des caméléons dans la fourmilière

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      La petite troupe se trouvait désormais dans les couloirs sombres éclairés à la terrible lumière rouge. La sirène avait cessé d'hurler le chaos. Mais celle-ci était remplacée par les cris des membres de l'organisation. Tous criaient à l'unisson, de vive voix :

      - Revival !

      Jules entendait dans leur voix une envie de tuer, de voir du sang ruisseler à travers les couloirs. Ils étaient une infinité. Eux, ils étaient trois. La partie était perdue d'avance. Jules sentait qu'ils s'approchaient de plus en plus. Son cœur allait céder d'une seconde à l'autre. Mais il ne pouvait reculer maintenant. Il devait tuer Aaron pour tenter de mettre un terme à tout cela. Il devait sauver ses amis qui étaient sans doute sur le chemin de l'abattoir. Mais le jeune homme se rendit vite à l'évidence : toute la base était maintenant un abattoir.

      April le força à avancer. Elle lui prit la main et le poussa à dépasser ses limites. Ils coururent dans la pénombre et dans la panique. Dans un dédale interminable. Jules ne compta plus le nombre de fois où son nez avait testé la solidité des murs. Il sentit même un goût métallique rentrer dans ses lèvres.

Il tourna la tête et vit la fatigue creuser le visage de Stan. Le doyen ne cessait d'haleter. Il poussa même quelques grognements afin d'évacuer la haine qui dévorait ses tripes. Jules, en tant que grand empathique, lui donna une frappe dans le dos pour le solliciter à se dépasser, pour lui montrer son soutien. Stan tenta de lui rendre un sourire mais il trébucha sur une fourbe pile de caisses en bois tapie dans l'ombre. Le jeune homme lui tendit la main mais son soi-disant père refusa de la saisir. Il était à bout. Jules n'hésita pas une seule seconde. Il prit son bras et tira de toutes ses forces. En vain. Le jeune homme se rapprocha donc de son oreille et lui murmura le nom de ses amis. Une lueur naquit dans son regard, transperça la pénombre, mais mourut aussitôt. Le brasier n'était que de courte durée.

      - Partez sans moi. Je n'ai plus aucune force. J'ai perdu toute ma condition physique... Je... vais rester planquer dans ces caisses, ils ne me trouveront pas. Filez, allez le tuer. Changez le monde. Vous êtes jeunes encore.

      Stan avait fini sa phrase avec une voix tremblante. Jules et April le regardèrent, dépités. Les yeux du jeune homme le démangent. Le lac finit par déborder. Il refusa de le laisser seul ici. Il s'enlaça au doyen et tenta de se lever. Il fit un signe à April pour qu'elle vienne l'aider. Ils tirèrent encore et encore. Leurs biceps se métamorphosèrent, leurs doigts l'agrippèrent, leurs muscles du visage se crispèrent. Mais Stan ne bougea d'un iota. Ils s'écroulèrent.

      - Partez les enfants ! Cassez-vous !

      Jules savait bien que Stan retenait ses larmes. Il vit dans ses yeux brillants se dessiner le passé. Il y a encore quelques temps, il avait essayé de le tuer à son arrivée sur Azzula. Il voulait le balancer du haut de l'Arbre. Mais petit à petit, une complicité s'était créée. Ils partageaient le même tatouage. De suite, il avait fait de Stan son père spirituel, ne pouvant savoir s'il était vraiment son géniteur. Sans lui, sa vie n'aurait plus de sens. Il s'était avéré timide et maladroit envers lui, à plusieurs reprises, mais ils partageaient peut-être le même sang. Le même cœur. Il ne pouvait le laisser dépérir ici. Jules sécha donc ses larmes et se leva, la boule au ventre.

      - Les gars ! On est là ! Ici ! Venez prendre nos vies ! Allez !

      Jules n'avait jamais hurlé aussi fort. Stan lui lança un regard noir.

      - April, on ne bouge pas. S'il tient à nous, il se lèvera.

      La jeune femme donna son approbation. Les cris un tant soit peu goguenards des hommes se rapprochaient de plus en plus. L'anxiété de Jules croissait à chaque seconde. Le doyen resta immobile. Néanmoins, il lut dans son regard une forme de panique de plus en plus grande. La lumière rouge le trahissait. Ses pupilles firent des montagnes russes. Les hommes ne semblaient être plus qu'à quelques mètres, plus qu'à quelques virages d'eux. Stan se décida enfin.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant