Les larmes et l'aiguille de l'horloge fusèrent. Stan n'arrivait pas à se remettre de ses états d'âme. La multiplication de son ami Noah l'avait détruit. Ses sanglots retentissaient comme un glas solennel à travers le couloir. Jules le serra fort dans ses bras et frotta sa tête contre sa joue inondée.- Stan, nous devons reprendre la route.
Le concerné lui jeta un regard froid. Non, de détresse. Jules voulait lui changer les idées, mais il se rendit compte qu'il venait de manquer cruellement d'adresse. Il se pinça les lèvres.
- Je... Je suis désolé. Noah aurait voulu que tu te battes pour lui. Il n'aurait pas accepté que tu te morfondes pour l'éternité.
- Mais il est mort !
Le doyen venait de hurlait. Il avait répondu avec ses tripes, son cœur, sa peine. Les larmes qui ruisselaient sur son visage devinrent des torrents. Jules marqua un silence. Il sentit tous les muscles de son visage se tendre, se crisper. Les plaintes de l'homme l'abattaient. Il tourna la tête et ferma les yeux. Ses yeux le brûlaient. Un flot ardent résidait sur ses prunelles. Il était tel un chalutier fuyant un épouvantable raz-de-marée. Mais la vague était trop forte. Jules céda de nouveau.
Derrière ce brouillard salée, il vit April, enlacée dans les bras de Stan. Elle hocha la tête. Elle avait remarqué la tentative ratée de son partenaire.
- Nous devons nous battre, Stan. Pour Noah. Nous devons le venger, en tuant Aaron. Ils sont trop nombreux. Nous avons besoin de toi. Et puis, il se peut que l'authentique Noah se cache plus loin, vivant.
- L'espoir n'apporte rien aux hommes, April. On se soumet au destin et on ne fait rien. On perd notre liberté. Fichue liberté...
- Mais on ne va pas espérer, Stan. On va agir, on va se battre pour Noah et pour notre liberté !
La jeune femme bondit avec une moue devenue pétillante et tendit son bras. Jules fut aux premières loges de ce nouvel échec. Stan n'avait même pas remué son petit doigt. Le jeune homme se leva, avec son sac de chagrin sur le dos, et se dirigea vers la porte. Il sentit ses jambes flageller. April lui effleura la main. Une vague d'énergie rentra en lui. Il crut que son cœur allait sortir de sa poitrine. Il fit un "o" parfait avec la bouche afin de lui envoyer un baiser. La jeune femme l'attrapa et le colla sur les lèvres.
Jules colla son visage contre le hublot qui le séparait du Mal absolu. Il vit une immense pièce dans laquelle se trouvait un nombre incalculable de Noah ; ils étaient par monts et par vaux. Ils sautaient dans tous les sens, ils couraient, ils se poussaient. Cependant, tous avaient l'air lobotomisé. Leur regard était vide.
« L'aquarium du Mal... »
Un Noah fixa le jeune homme. Il s'immobilisa et resta planter sur place. Jules ressentait comme une forme de gêne. Il se gratta la nuque et ferma les yeux un millième de seconde pour fuir cette situation. Il les rouvrit. Le jeune homme poussa un cri de stupeur lorsqu'il vit le Noah collé au hublot. Il avait un sourire machiavélique ne demandant qu'à le tuer. Jules put presque sentir son sang putride traverser la paroi vitrée. Il en eut un haut-le-cœur. Il recula sa tête quelques instant du lieu qu'il venait de baptiser afin de reprendre ses esprits. Il ne put contrôler sa respiration saccadée. Le jeune homme se retourna et aperçut de nouveau le florilège de larmes du doyen. À se demander quel côté était le pire.
Jules prit son courage entre deux mains et retourna piquer une tête dans l'aquarium. Il s'immunisa peu à peu contre ce fléau visuel. Il analysa la pièce. Elle était blanche, avec des proportions défiant la réalité. Un gigantesque néon l'éclaira. Jules ferma légèrement ses paupières pour perfectionner sa vision. Il remarqua une petite forme sombre avec des pincées de doré au fond de la pièce. C'était une porte. Jules ne tarda pas à la reconnaître : cette porte était la même qu'à la Frontière.
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REVELUM [EN REECRITURE]
AdventureAvez-vous déjà voulu être seul au monde ? C'est ce que Jules va découvrir. Non. Subir. Émergeant d'un sommeil profond, le jeune homme se trouve au beau milieu d'un bateau, accompagné de deux autres passagers, les dernières braises de l'humanité. Mai...