LXIII - Dans le noir

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Les deux hommes reprirent la route, armes à la main, le cœur et la tête pleins de haine et de chagrin. Mais rapidement, un nouveau problème surgit. Ils ne savaient quoi faire.

- Qu'est-ce qu'on fait, Stan ? On met en place un plan pour... pour les tuer ? Ces putains de Taureaux ? On les sème ?

- Ils sont trop forts pour nous, Jules. On pourrait remettre le feu, mais nous n'avons plus de temps. Trouvons la sortie au plus vite.

Jules ne sut si la dernière phrase s'avérait être un conseil ou un ordre. Il avait néanmoins une certitude : le doyen avait raison. Les deux hommes traversèrent alors les couloirs qui ne cessaient de se terminer. Tous se ressemblaient. Encore une fois. Inlassablement. Jules avançait avec la boule au ventre. Il ne voulait pas revoir ces indestructibles créatures. Cependant, il savait, connaissant Aaron, qu'il allait devoir les revoir. Il en eut un frisson dans le dos. Le jeune homme ne s'arrêtait pas de penser à elle. À April. Son amour. Sa raison de vivre. Il était prêt à tout pour la récupérer, même à donner sa vie. Jules revit cette scène encore et encore. April sous cette pluie de coups. Lui dans ces sables mouvants. Il se dégoûta. Il voulait réparer ses erreurs. Il devait tuer une bonne fois pour toute Aaron.

La petite balade ne fut tranquille bien longtemps. Un son métallique venait de retentir dans l'immensité du dédale. Jules lança un regard inquiet à Stan, qui lui répondit par un haussement de sourcil et une moue crispée. Un autre son naquit du silence. Puis un autre. Ils étaient de plus en plus intenses. Le œur du jeune homme s'emballa devant le rire des diables. Stan se mit à courir, paniqué.

- Suis-moi, mon enfant !

Jules ne réfléchit donc pas une seule seconde. Il prit sa respiration et suivit son soit-disant père, ou plutôt suivit son instinct. Les pas des Taureaux se rapprochaient davantage. Ils foulaient le sol à une vitesse ahurissante. Ces sons n'étaient pas des fabulations crées de toute pièce par son esprit. Non, ils se percutaient bien contre ses tympans et leur origine n'était qu'à quelques mètres de lui. Les carrefours s'enchaînaient aussi vite que les battements d'un colibri. Les hommes savaient qu'ils étaient pris dans un courant les dirigeant vers une cascade. La puissance de l'eau était bien trop forte pour rejoindre les berges. La chute était inéluctable.

Des pas se faisaient entendre derrière eux, mais aussi devant.

- Mais combien ils sont, putain ! se plaignit Jules.

Stan ne lui répondit pas pour économiser son énergie qui devenait de plus en plus faible. Il pointa du doigt une nouvelle direction à prendre. Jules obéit sans broncher. Il n'avait rien d'autre à faire à part s'échapper des bras de la Mort. La fuite de l'invisible dura une éternité. Jules fut incapable de dire s'il avait couru une minute ou une heure. Les pas s'étaient amenuisés légèrement. Le jeune homme se doutait que cela n'allait être que de courte durée. Stan ralentit le pas jusqu'à s'arrêter afin de se requinquer. Une porte rouge, avec un éclair noir en son centre, se dressait devant eux. Jules demanda au doyen ce qu'il pouvait bien s'y cacher. Silence radio.

- Pfff, souffla le jeune homme en roulant des yeux. Aaron est encore là-dedans. Les Taureaux nous ont emmenés ici. Ce n'est pas un hasard.

- Peut-être que nous avons semé les Taureaux, tout simplement. Aaron ne peut pas tout maîtriser, tu sais.

- Au contraire, il a toutes les cartes en main. Aucune faille n'est possible. Aaron veut qu'on ouvre cette porte, on va l'ouvrir. On n'a pas le choix, je crois.

Stan arqua un sourcil mais lui donna son approbation. Il ouvrit la porte et une ridicule pièce s'offrait à eux. Jules n'avait jamais vu une telle chose depuis son premier réveil. Une immense machine, qui occupait tout l'espace, s'imposait sous leurs yeux. Des boutons par milliers clignotaient dans tous les sens. Au-dessus de la machine se trouvaient une monticule de câbles reliée au plafond. Le jeune homme s'approcha, intrigué par cette trouvaille. Il put lire au-dessus de chaque bouton le nom d'une pièce. Cafétéria 1, Dortoir 24, Labo 11. Les yeux du jeune homme firent un mouvement de va-et-vient, de gauche à droite. Jules ne lut pas vraiment les inscriptions, sauf la dernière. Celle-ci lui coupa le souffle. Appartement d'Aaron.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant