VIII - Trou noir numéro deux

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      L'eau venait s'écraser contre ses pensées et le soleil contre ses iris. Jules se réveilla réellement, cette-fois ci. Il ouvrit les yeux, en espérant retrouver sa mère au bord de son lit en train de le harceler pour qu'il évite de se noyer dans son filet de bave. Mais rien. C'était un ciel bleu qui remplaçait le plafond de sa chambre. Un bleu intense surplombant tout le paysage. Jules tourna la tête sur sa gauche : ce bleu se prolongeait à l'infini. Il en valait de même pour la droite.

      Un bruit de moteur dansait tout autour de lui. Le jeune homme avait la tête bien trop lourde pour en identifier l'origine, mais bien trop vide pour se souvenir du moindre détail. Jules n'avait pas la force de parler, de crier à l'aide, de réfléchir. Rien ne coulait dans ses veines. La lumière du jour l'obligea à sombrer une nouvelle fois dans l'obscurité. Jules continua son expédition dans l'antre de Morphée.

*

      Ses paupières s'ouvrirent une nouvelle fois. Combien de temps s'était-il écoulé ? La voûte était toujours aussi bleue et le calme était toujours aussi calme. L'esquisse de sa mère s'était encore plus effacée. Néanmoins, cette fois-ci, de l'énergie ruisselait dans ses vaisseaux sanguins.

      Le bateau. La phrase sur le mur. Le Testeur. Clara. Clint. Tous ces éléments fusèrent comme de l'eau de roche à l'intérieur du jeune homme. Il ramena sa main droite contre son front. Tous ces souvenirs étaient les seuls qui habitaient son corps et qui animaient son cœur. Il le savait, désormais. Il ne pouvait l'expliquer, mais il s'agissait d'une évidence.

     « Tout était vrai, mon petit Jules. »

      Le déni prit son envol vers les hauteurs des cieux. Pourtant, aucune saveur amère ne rôdait en lui ; parce qu'il le savait depuis le début. Tout était trop réel pour être mirage. Jules éprouva la même sensation qu'à son premier réveil. Sa famille, ses proches. Ils n'étaient que des inconnus désormais. Pourquoi pleurer les étrangers ?

      Le jeune homme s'assit et constata qu'il voguait sur l'eau à bord d'un canot. Le canot. Les derniers tiroirs de sa mémoire s'ouvrirent. Jules revit la pluie battante s'abattre sur lui et le Testeur l'attraper. Il arriva à la fin de la commode. Néant absolu depuis ce tragique épisode.

      Jules remarqua rapidement Clara, sa camarade inconnue, à l'autre bout du canot, cependant, il préféra l'ignorer pour l'instant. Il avait besoin de retomber dans la solitude. Il retira ses chaussures et s'installa précautionneusement sur le bord du rafiot qui était d'une couleur rouge écarlate.

      L'histoire se répéta. Jules se trouvait de nouveau sur un bateau, prisonnier. Aucune évasion n'était envisageable.

      Il scruta l'horizon. Jules était seul, perdu au beau milieu de l'océan, à nouveau privé de ses souvenirs. La cadence de son pouls s'emballa, comme si son corps lui aussi refusait de conquérir la vérité.

      « Qu'est-ce qu'il se cache ? Qu'est-ce que je cache ? »

      Ce bateau avait fui le port du souvenir depuis bien longtemps. L'eau l'emportait de plus en plus vers l'oubli. Tout semblait être contre lui. Il n'arrivait pas à dompter le monde, sans doute parce que c'était lui le dompté.

      Un océan infini flirtait avec ses pieds abîmés, mais l'eau préférait épouser le ciel. Jules voguait sur un immense marécage brumeux qui avait emprisonné la vérité. Le jeune homme ne savait plus qu'il était, mais il était. Il ne savait où il allait, mais il y allait. Jules n'était plus maître de rien, même plus de lui-même.

      Une haine rongea ses entrailles.

      « Pourquoi ? Pourquoi moi ? Il a fallu que je frôle la mort pour accepter. Pourquoi j'ai survécu ? À ce Testeur, à cette Attaque ? Je me pose des questions sur toi, Clara, sur toi, Clint, mais j'ai oublié le principal, je crois bien. Qui es-tu, Jules ? »

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant