LV - Miroir, ô mon beau miroir

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      Jules entendit les membres de Revival tambouriner contre la porte. Il craignit que la planche en bois cède face à l'acharnement des hommes. Il crut même ouïr des balles siffler dans l'air et s'abattre sur la porte.

      - Je doute qu'elle résiste longtemps, souligna April. Il faut avancer.

      Les deux autres hochèrent la tête. Jules retira les dernières trainées de sang suintant sous son nez et avança. La petite troupe se trouvait dans un univers ressemblant au dernier. Une infinité de couloirs se dressait devant elle. Jules avait l'impression de déambuler dans un hôpital désaffecté. Les murs portaient une couleur blanche blafarde et étaient parsemés de taches brunâtres, sans doute de la moisissure. Des débuts de fissures serpentaient le long des surfaces. Dessus, Jules pouvait y lire toujours la même phrase, encore et encore. Nous cherchons tous à rattraper le temps perdu. Mais a-t-il vraiment commencé ? Jules put reconnaître les mêmes néons que ceux de l'autre côté arpenter le plafond. Des portes et des sortes de fenêtres se comptaient par milliers. Mais l'ambiance, ici, était différente. Tout était trop calme. Les hurlements s'étaient dissipés dans l'immensité du labyrinthe. Il n'y avait pas un chat. Jules regarda dans l'une des pièces et il n'y vit que du néant. Dans une autre, une table médicale en cuir. Mais vide d'âme. Le jeune homme crut reconnaître dans l'une d'entre elles une cafétéria aux couleurs ternes et funèbres. Les couleurs vives de l'autre lui manquaient déjà.

      - Ils doivent bien s'amuser ces scientifiques, ironisa-t-il.

      Ici, le temps était mort. Des charriots débordants de flacons aux mille et une couleur fluorescentes, de gants en latex, de tubes, d'objets en verre gisaient dans les couloirs. Parfois, des courants d'air glaciaux tourmentaient Jules. Enfin, une odeur pesante se promenait dans l'enceinte. Elle irritait le nez du jeune homme. La senteur avait presque un aspect mystique, avec ses pointes poivrées et ses pincées de renfermé, sans omettre ses côtés de viandes pourries. La Mort était passée par-là.

      Malgré tout, Jules sentait qu'Aaron l'attendait. Derrière cette nuée de caméras, il le voyait le traquer, jouir de sa perversité. Le jeune homme se doutait de plus en plus qu'Aaron avait tout fait pour le faire rentrer sur ses terres. Il ne s'imaginait certainement pas de cette manière, certes. Peut-être qu'il n'était pas prêt à l'accueillir, pris de surprise. Jules savait qu'il devait profiter de cette faille pour mettre fin à ses jours.

      - Pour trouver le bureau d'Aaron, on en a pour des heures, se lamenta le doyen. Regardez toutes ces portes qui se ressemblent.

      - Aaron a besoin de reconnaissance, renchérit April. Il veut qu'on acclame sa puissance. Son bureau ne doit pas être comme les autres.

      - Il doit être au bout du bâtiment, comme s'il était en haut de la pyramide.

      Jules ne put s'empêcher de sourire suite à sa proposition qui semblait logique. April lui envoya un clin d'œil pour donner son approbation. Jules vit ses lèvres former un baiser : il tendit ses bras pour le capturer et les ramena sur son cœur. Une bouffée d'énergie, passant des orteils jusqu'aux pointes de ses cheveux, l'envahit. Il l'aimait plus que tout, même plus que sa propre vie.

      Les minutes filèrent. La petite troupe ne cessait d'avancer, en vain. Stan ouvrit des portes, de temps à autre, pour rompre le silence morbide et pour espérer trouver le moindre indice. Mais seul le vide parlait. Le jeune homme entendit son cœur battre et les murs dormir. Jules se sentait dans la peau d'un aviateur échoué au milieu d'un désert, arpentant des dunes caressant les étoiles ; ou bien dans celle d'un marin égaré dans un épais voile brumeux, seul, dévoré par l'immensité de l'océan.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant