XLVI - La clé de la confiance

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      La dernière phrase sortie du gosier de Rose ne cessa de tourner en boucle dans la tête de Jules, comme si un écho s'acharnait sur son crâne. Il ne comprit pas pourquoi quelqu'un arborant les tenues de Revival voulait l'aider. Elle était son ennemie. Elle devenait son amie. Rose semblait être comme l'eau. Terrible comme essentielle.

- Aaron se doutait qu'il y aurait des survivants, des Élus comme il aime tant vous nommer. Il a profité d'une catastrophe assassinant l'humanité pour mettre en œuvre ses projets. Je me souviens encore de cette phrase sur le bout des doigts, lorsqu'il échangeait avec un scientifique dans son bureau. Il nous faut les meilleurs, les plus robustes pour tout recommencer.

Une image refit surface dans les songes du jeune homme. Il se souvint de son premier réveil et de cet adage fixé sous ses yeux. Nous cherchons tous à rattraper le temps perdu. Mais a-t-il vraiment commencé ? Une nouvelle vision jaillit. Il était dans la cabane, avec le reste de Revelum. Jules revit son assiette de crudités, et ses amis autour de lui. Law avait prit la parole. Aaron voulait les cloner, eux, les Élus. Tout s'éclaircit dans la tête de Jules. Rose lui confirma les propos de son amie.

- Nous devons abattre Aaron, sortirent-ils en même temps, avec une hargne inimaginable.

Jules sentit ses pommettes s'empourprer. Il baissa la tête pour masquer sa gêne, pour oublier ce moment de complicité, pour briser cette fusion qui venait de naître.

- Si je ne suis pas trop bête, mon cher Jules, Aaron veut être à la tête du monde. Il savait que toutes les organisations internationales allaient s'écrouler, que l'économie allait disparaître, que l'humanité allait lâcher son ultime souffle. Aaron a donc bâti Revival et d'innombrables structures pour être le chef du monde. Il a fait des campagnes publicitaires pour recruter. Je me demande bien d'où provient son fric.

Jules se souvint de quelques livres qu'il avait lus dans la cabane. C'étaient des vieux polars portant sur les trafics d'organes et de drogues.

- Cet argent ne doit pas être très propre à mon avis, lâcha-t-il.

- Je crois qu'il ne vaut mieux pas le savoir. En tout cas, moi je sais que nous avons affaire à un taré. Il va te cloner, toi et tes amis. La Terre sera peuplée de milliards de Jules, de Stan, d'April et autres totalement amorphes qui obéiront au doigt et à l'œil à ses horribles ordres.

Le jeune homme n'avait jamais réfléchi à cela. L'image d'une ville emplie de lui-même lui donna un frisson dans le dos. Les pièces du puzzle s'emboîtaient peu à peu. Mais de vastes zones d'ombre persistaient encore et le jeune homme savait qu'il manquerait toujours des morceaux.

- Aaron est un cancer, Jules. Il est un virus. Je suis le vaccin. Mais j'ai besoin d'aide. De vous. Seule, je ne peux déplacer cette montagne. Nous devons unir nos forces.

- Ou alors tu es la peste et nous tes rats, renchérit le jeune homme en lui lançant un clin d'œil. J'aimerai tant te croire mais je te connais depuis que quelques minutes. Pourquoi devrai-je te faire confiance ? Comment tu sais que je suis Jules ? Comment...

- ...la Rose Rouge sait tout, coupa la jeune femme, en se passant une main sur le crâne, l'air embarrassé. Nous avons les mêmes objectifs, Jules. Nous voulons supprimer Revival. Ou du moins Aaron. Mais s'il faut tuer des collègues pour empêcher le prochain désastre, je suis d'accord. J'ai pas d'ami là-bas de toute façon.

Jules eût l'impression de ne pas avancer, d'être emprisonné dans un sable mouvant. Il mira attentivement le regard émeraude de Rose et tenta de trouver la réponse. Il voulait lui faire confiance, mais son cœur lui disait non. Elle était chez Revival, lui chez Revelum. Revival voulait sa peau.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant