XLV - La roue tournera

81 12 5
                                    


      Jules fixa les deux émeraudes de la jeune inconnue, impatient de découvrir son histoire, de se délecter de cette voix si apaisante. Les sons qui sortaient de sa bouche épousaient le murmure du vent.

      - Je suis le virus de Revival. Je suis la peste, mais j'ai besoin de rats pour me propager. Je suis la tache noire qui va détruire le tableau blanc. Non l'inverse plutôt. Je suis la tache blanche qui va ravager le tableau noir.

      Le jeune homme écouta attentivement les propos de Rose, mais il ne comprit rien. Il arqua un sourcil pour montrer son incompréhension.

      - Laisse-moi t'expliquer avant de prendre cet air qui me fait craquer.

      Jules se pencha pour estimer son altitude : il ne pouvait pas fuir ses propos élogieux qui l'embarrassaient au plus haut point. Ses yeux lorgnèrent sur le côté et ils virent les hommes se disperser et chahuter.

      « Ils doivent sans doute chercher des bidons d'essence... »

      - Du kérosène exactement. Il parait qu'il y en a pas loin... Tu peux m'écouter, maintenant ?

      Jules sursauta devant ce ton réprobateur. Le jeune homme avait visiblement en face de lui une sorcière capable de lire dans ses pensées. Il en eût des frissons. Ne sachant que faire et que dire, il se contenta d'un hochement de tête totalement absurde, ubuesque.

      - Bien, commençons par le commencement. Pourquoi j'ai intégré Revival. Je n'ai pas trop envie de rentrer dans les détails, mais j'ai eu une aventure houleuse avec un gars. Il m'a trop fait souffrir. Il m'emmenait au bar tous les soirs. J'étais son butin, en quelque sorte. Il était fier de se taper une fille comme moi. La belle Rose Rouge.

      À vrai dire, Jules ne l'écoutait plus. Il se demandait ce que pouvait signifier se taper. Il en conclut qu'elle était battue ou quelque chose comme ça. Le jeune homme voulait la prendre dans ses bras pour lui faire part de sa compassion, mais il ne la connaissait pas. De plus, il ne voulait pas décevoir sa bien-aimée April. Il s'en mordit les lèvres lorqu'il se rendit compte qu'il l'avait presque oubliée. Elle devait souffrir le martyre dans cette position et elle n'était pas à l'abri des regards trop indiscrets.

      - Il faut que j'y aille, révéla-t-il.

      Rose lui prit le bras avec une force déconcertante. Jules ne put contenir sa douleur : il hurla.

      - Tu me fais rire, Jules. Mais bordel écoute-moi. Je suppose, d'après ton regard, que tu es avec elle. Ta April, elle est en sécurité. Regarde, ils partent tous vers la ville.

      Jules, qui continuait de haleter à cause de la douleur, remarqua Stan rentrer dans la ville. Il jouait son rôle d'espion à merveilles. Le jeune homme désirait le prendre dans ses bras pendant des heures, mais sa mission l'en empêchait. Il devait se priver de cette présence paternelle.

      - Mon ex, il m'humiliait devant ses potes. Je n'étais qu'une femme. Mon but était d'entretenir les fourneaux, la maison et bien sûr lui quand bon lui semblait. Je l'aimais éperdument mais j'avais mes limites. Un jour, je suis allé au supermarché et j'ai acheté des centaines de papiers toilette. J'ai recouvert sa chère et tendre caisse et j'ai saccagé sa maison, enfin la maison de ses parents. Avec un rouge à lèvres discount qu'il m'avait offert, j'ai écrit sur tous les murs, sur tous les miroirs et même sur son chien "Étape 1 de l'Indépendance de la Rousse".

      Jules éclata de rire. L'image du chien l'avait achevé. Il se trouvait en face d'une fille de caractère qui ne se laissait pas marcher sur les pieds. Jules posa ses mains sur la rambarde et scruta l'horizon. Il ne comprit pas pourquoi un homme devait être supérieur aux femmes. Il espéra qu'il n'était pas comme ça avant son premier réveil.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant