XXXVIII - Les papillons de l'ombre

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      Une scène macabre dansait sous les yeux de Jules. À ses pieds étaient entremêlés les deux corps des deux défunts. Ils étaient nus, parsemés d'un champ d'ecchymoses, traversé par un ruisseau sanglant. Jules ne vit que du sang. Une odeur nauséabonde l'étouffait. Un affreux mélange d'effluves sanguinolentes et mortuaires s'offrait à lui. Le jeune homme manqua de tourner de l'œil jusqu'à qu'une frappe de Stan le ramena à l'esprit.

      - Excusez-moi, soupira-t-il, en se cachant les yeux, par honte de paraître ridicule. Je ne suis qu'un vaurien. Je me prétends changer, et me voilà incapable d'assumer mes actes. Je suis qu'un monstre qui ne s'assume pas.

      Un long silence trancha le discours du jeune homme. Tout se chamboulait à nouveau dans sa tête. Des idées fusaient dans tous les sens, des taches de désespoirs se dessinaient alors que des lueurs d'espoirs les gommaient. Jules crut un instant devenir comme son ami Clint. Fou. Il s'en mordit les lèvres. Il ne put que répéter en vain :

      - Je ne suis qu'un monstre...

      April, qui ne s'était également pas remise de ses émotions, finissait d'haleter. Ses gestes hasardeux la trahissaient. Elle voulait le rassurer, le remettre sur le bon droit chemin, mais sa pensée rejoignait celle de son petit copain.

      - Jules.. Nous sommes des papillons. Des papillons de nuit. Les papillons de l'ombre. À notre stade initiale, nous n'étions que des chenilles sans défense, qui ne rêvaient que de futilités et de bonheur. Puis nous avions tissé notre cocon. Ce cocon, c'était notre bateau. Nos rêves se sont estompés, contraints de subir les lois de la nature. Puis est arrivé notre éclosion. Nous étions libres face à ce monde dévasté et inconnu. Cette liberté nous a joués des tours. Mais existe-t-il une notion du bien et du mal, dans ce monde, désormais ? Nous sommes ce que nous sommes devenus par nos actes. Pouvons-nous dire que nous sommes des monstres ? Oui, sans doute. Mais peut-être nous sommes des anges. Personne ne peut nous juger. Et maintenant, c'est la loi du plus fort qui règne. L'Homme, pour gagner, doit se transformer en animal. Nous devons gagner. Nous sommes les papillons de l'ombre.

      Jules serra son poing afin de se ressaisir et en levant la tête, il put remarquer l'acquiescement de Stan.

     - Mon petit, nous sommes mauvais, mais nous devons l'assumer. Un jour nous rétablirons l'ordre, et nous nous transformerons en de magnifiques papillons.

*

      Vêtus des tenues de Loup et de son coéquipier, Jules et Stan creusèrent à mains nues, au beau milieu de la jungle, les tombes des deux membres de Revival. Jules gardait ce pincement au cœur lorsqu'il vit les corps inanimés de ces deux parfaits inconnus. Mais cette image de papillon volait en lui.

      « Je suis un papillon de l'ombre. Mais Revelum cherche la vérité, la lumière. L'humain est vraiment un être de paradoxes, je crois... »

      Jules suffoqua face à cet effort et à cette chaleur abondante. Son haut lui collait à la peau à cause de la transpiration. Il grimaça suite à l'odeur que dégageait celle-ci. Son corps lui demandait de faire une pause, mais le temps s'avérait être compté. Néanmoins, il ne put s'empêcher de contempler April, qui essayait de les aider, jusqu'à en perdre la raison. Elle était si belle, avec sa chevelure brune, brisée par ses mèches rebelles blondes qui se bataillaient sur son front. Une trace pourpre accompagnée ce chef-d'œuvre de la nature. En effet, lors du combat précédent, April s'était ouverte l'arcade sourcilière. Cette blessure reflétait le portrait de l'adolescente. Une jeune fille fragile au tempérament de guerrière.

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