REVELUM [EN REECRITURE]

LIII - Mea Culpa

      La voix du haut-parleur avait disparu dans le vacarme que produisait la sirène. Elle était encore plus forte qu'il y a quelques secondes. Elle détruisait les tympans de Jules. Il regardait sa photo, affichée par on ne sait quelle magie, sur le plafond et eût le sentiment d'être un fugitif dangereux à abattre coûte que coûte. Le jeune homme comprit qu'il vivait dans un monde où l'injustice primait. Il voulait sauver le monde, mais voilà qu'il allait le quitter.

      Jules ne put bouger. Ses membres refusèrent de fuir son prochain tombeau. Il était perdu dans l'obscurité de la pièce. Parfois, le faisceau de la lumière rouge, qui tournoyait comme une toupie déchainée, se jetait sur les membres de Revival. Les yeux du jeune homme virent qu'ils préparaient leur arme, mais il ne pouvait se déplacer. Tout allait si vite. Sa vie allait être aussi rapide que sa mort.

      Alors qu'il vit le pilote pointer son arme vers lui, avec un sourire machiavélique, quelqu'un prit son bras et le propulsa contre le sol. La lumière, toujours aussi folle, montra qu'il s'agissait de Rose. Ses yeux émeraudes traversaient la pénombre. Jules sentit une table se renverser. La limite entre sa vie et sa mort n'était qu'une vulgaire table. À droite, il vit April, prête à lancer l'assaut. Il devait se battre pour elle. Le jeune homme ferma les yeux le temps d'un instant et l'imagina allongée au sol, le visage détruit, perdant tout son sang. Jules refusa de voir cette macabre image se transformer en réalité. Il hurla. Il ne sut pourquoi, mais il hurla. Il extériorisa sa rage qui était enfoui au plus profond de son être. Jules prit alors son arme, se mit à quatre pattes et canarda l'obscurité.

      Le bruit des armes se mêlait à celui de l'alarme et aux râles des victimes. Les plaintes montaient en crescendo, tout comme la rage de Jules. Il oublia qu'il était en train de tuer des innocents. Il avait en face de lui ses ennemis, et rien d'autre. C'était le plus fort qui gagnait. Néanmoins, son stock de munitions diminuait plus rapidement que le nombre de belligérants. Jules s'adossa contre la table - qui résistait grâce à la magie de sa belle étoile - et attendit. Le temps semblait durer une éternité. Il regarda sa belle se battre. La lumière montrait un visage tenace et déterminée. Son regard semblait transformé : elle était désormais une guerrière. Une guerrière en danger.

      Jules réfléchit alors, encore et encore. Il baissa les yeux et ceux-ci se posèrent sur un ridicule couteau gisant sur le damier. Il colla son dos contre la table et étira sa jambe au maximum. Il tâtonna le sol et sentit enfin la lame du bout du pied. Il ne savait que faire avec cette arme blanche. Le jeune homme la rapprocha de son visage et vit son reflet rougeâtre. Il avait les joues creusés et le regard sans âme. Il fallait mettre un terme à cette situation. Jules se leva pour foncer vers ses adversaires, enivré par un ouragan de colère.

      Cependant, Rose lui fit un revers et le jeune homme s'écroula au sol. Jules ne comprit rien : il crut entendre un tas de sermons. Il baissa les yeux afin de s'excuser. La rouquine lui confisqua son arme et rouvrit le feu.

      Emporté par la rage, Jules avait usé toutes ses munitions : il demeurait désormais obsolète. Le boucan du champ de bataille le terrassait. Il mit ses mains sur ses oreilles et s'enferma dans une légère surdité. Tous les sons paraissaient maintenant lointain. Il observa ses amis se battre. Il lut de la peur mêlée à de la haine sur chaque visage. Et lui, il ne pouvait rien faire hormis attendre. Et trembler.

      - Jules ! Jules !

      Le jeune homme entendait résonner son nom dans son esprit. Il retira ses mains de sa boîte à silence. Le vacarme était encore plus important. Il vit April devant lui, l'air effrayé. Non, affolé. Du sang coulait sur son équipement. Elle le secoua dans tous les sens puis pointa du doigt Rose qui continuait de se battre. Elle avait toujours son couteau à la main.