LXV - C'est dans la boîte

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Jules ne put tenir debout. Ses jambes ne supportaient pas de voir ses amis cloîtrés dans une colonne en verre remplie d'eau, ou d'un autre liquide, il n'en savait rien. Son cœur s'emballa tout comme sa respiration. Il avait la gorge sèche, les mains moites et les yeux aveuglés par tant d'horreur. Le jeune homme voulait hurler, mais rien ne sortit. Il voulait pleurer, mais quelque chose l'en empêchait. Il se contraignit donc à ployer ses poings contre les parois vitrées afin d'évacuer sa surprise, sa haine, son dégoût, sa... Il ne savait plus. Il ne savait pas ce qu'il se tramait dans son organisme. Il ne pouvait même pas décrire cette odeur qui commençait à lui irriter les narines.

Il ne pouvait donner de mot pour définir ses émotions puisque celles-ci ne lui provoquaient que des maux.

Jules regarda ses amis, les yeux fermés, l'âme morte, flottant dans ces tubes. Il déposa sa main droite sur l'un d'entre eux et y laissa une traînée de sudation. La surface semblait bien trop rigide pour pouvoir la briser. Le jeune homme examina la salle dans un dernier élan d'espoir, mais rien ne paraissait assez solide pour détruire ces colonnes de verre. Jules remarqua que la porte verrouillée - dont il avait découvert l'existence dans le noir - n'était rien d'autre qu'une nouvelle Frontière. Derrière se cachait une nouvelle épreuve. Mais cela, Jules s'en moquait royalement. Il voulait sauver Clint, Leen et Noah de leur prison transparente.

Les trois gisaient chacun dans leur cachot, submergés par une substance inconnue. Des centaines de câbles les reliaient à la base des tubes. Le sol demeurait encore plus noir que les profondeurs abyssales : une infinité de technologies inconnues y régnait comme règne une infinité d'espèces animales et végétales inconnues. Jamais Jules n'aurait cru assister à une telle chose. Une seule question tapait dans son esprit. Sont-ils morts ? Jules espérait que non, mais dans ce monde, l'espoir était aboli. Il le savait. Le colosse noir, la femme aux cheveux de jais et l'indomptable rouquin affichaient un visage creusé, aux teintes violacées. Leurs yeux étaient restés ouverts : les vaisseaux sanguins, fraichement explosés, venaient de repeindre leur cornée d'une couleur abominable. Aucun membre ne bougeait, aucune bulle ne s'évadait, aucun espoir n'était autorisé. Jules le savait, mais il refusait de l'admettre.

Le jeune homme se souvint alors de cette phrase lorsqu'il était arrivé dans ce nouveau quartier. Cette phrase peinte avec le sang du cadavre éventré arpentant le plafond. Le temps vient de commencer. Aaron venait d'accomplir son objectif final : la résurrection de l'humanité. Les propos des filles, dans la cabane azzulienne, refirent surface dans la mémoire de Jules. Aaron avait besoin de leur mort. Les trois condamnés ne faisaient donc plus partie de ce monde. Ces colonnes devaient être une technique de conservation inconnue à Jules et toutes ces machines autour devaient les alimenter.

Jules imagina, enfin, des salles débordant de Clint et de Leen, comme celle de Noah. Il s'écroula, la tête la première. Ses yeux ne se fermaient pas. Aaron ne voulait pas le laisser quitter ce monde lui aussi.

- Qu'est-ce que tu veux de moi, Aaron ? Je t'en supplie, laisse-moi partir. Pourquoi je suis encore en vie ? J'ai mérité quoi pour ne pas être bercé par les bras de la Mort ?

Jules ouvrit enfin les vannes. Des larmes tombèrent à nouveau. Encore une fois. Il se demanda même d'où pouvait provenir toute cette eau. Il ne buvait pas, il ne mangeait pas, il puait, il périssait, mais il restait en vie. Le jeune homme culpabilisait de rester en vie et de ne pas rejoindre les autres. Pourquoi lui ? Il avait peur de son ombre, il naviguait sans cesse dans le brouillard... Jules dit à haute voix, entre deux sanglots, qu'il n'avait aucun mérite d'être en vie.

Il se releva et se plaça devant la prison de Clint. Le jeune homme vit, dans son reflet, que sa tignasse avait réduit de moitié. Interloqué, il mira le sol et remarqua des touffes de cheveux épouser le sol. Dans sa folie, il venait de s'arracher les cheveux. Aaron le détruisait autant mentalement que physiquement. Clint avait été sa première victime. En effet, dès son réveil sur le bateau, avec ses muscles abondants cachés sous sa tenue - dont il portait encore aujourd'hui -, il faisait le caïd. Mais rapidement, Aaron l'avait détruit. Le colosse noir était prétentieux, arrogant et il avait rapidement viré en un homme assassin. Il voulait le tuer à plusieurs reprises. Mais Jules avait réussi à le soigner et avait découvert un homme bon, empli de valeurs, comme l'altruisme. Sur le bateau, il lui avait sauvé la vie lorsqu'un Testeur l'avait attrapé. Clint était quelqu'un de bien. Il était très important pour Jules. Le voir ainsi l'anéantissait encore plus. Il avait réussi, temporairement, à quitter l'étreinte d'Aaron. Temporairement. Il représentait l'espoir et Aaron le briseur d'espoir.

Jules fit quelques pas sur le côté et se positionna devant la cage de Leen. Le jeune homme emprunta le couloir des souvenirs. Il se souvint de sa première vraie rencontre avec cette femme, qui ne s'était pas présentée sous les meilleures auspices. Cette femme montrait un cœur de pierre. Mais elle se montrait, finalement, méfiante et voulait protéger ses chers. Elle aussi, elle était quelqu'un de bien. Jules avait rapidement trouvé son talon d'Achille : Noah. Ils étaient fous amoureux l'un l'autre. Comme lui l'était avec April. Jules repensa à un livre, qui l'avait beaucoup plu à l'époque. Leen et Noah avaient leur tombeau côte à côte, unis à jamais, comme Tristan et Iseut. La femme portait en elle un bébé, mais Jules devina qu'il était mort depuis longtemps. Aaron voulait détruire le présent et créer SON futur. Néanmoins, Leen représentait la force et l'amour et Aaron le destructeur de la force et le démolisseur de l'amour.

Noah. Un cygne, comme le surnommait Stan. Fougueux, sauvage, imprévisible, mais adorable. Jules ne savait trop quoi penser, il le connaissait à peine. Néanmoins, il aurait tout donné pour le découvrir davantage. Sa mine affichait encore un visage doux et angélique. Un ange déchu. Mais lui aussi, il lui avait sauvé la vie. Jules était le sauvé et jamais le sauveur. Il sentit un pincement au cœur le démanger. Le jeune homme se retourna et trouva la sortie du couloir temporel. Aaron avait supprimé toutes les valeurs de ce monde. Il maîtrisait les cordes des pantins. Il déplaçait les pions à sa guise. Jules se doutait qu'il était la dernière pièce gisant sur l'échiquier.

Il vit tout autour de lui une dizaine d'autres tubes en verre, vides. Il s'imagina les autres dedans, mais lui aussi. Son heure n'allait pas tarder. Jules se demanda pourquoi Law n'était pas dans l'un de ses tubes. C'est alors qu'il songea de nouveau au cadavre leur souhaitant la bienvenue. Haut-le-cœur. Puis, Jules vit April et Stan ouverts en deux, sur une table, prêts à suivre la phase de clonage. Il secoua la tête pour effacer ces visions d'horreur. Ils étaient peut-être en vie. Cachés, quelque part dans l'immensité du Mal. Mais les vannes étaient bloquées : Jules ne pouvait les refermer. Il ne cessait de pleurer, de se morfondre dans sa solitude et dans ses doutes.

Jules ne savait quoi faire, désormais. Franchir la Frontière seul ? Il n'avait plus le choix. Il ne l'avait jamais eu, d'ailleurs. Il n'était pas libre. April avait beau lui parler des papillons de l'ombre et d'un tas d'autres bêtises, la réalité était sous ses yeux. Jules était seul dans une base militaire. Il ne pouvait rien faire. Une meute de Taureaux l'attendait derrière cette porte. Jules tourna la tête et observa son ridicule barrage à moitié délabré. Il s'approcha de celui-ci, le détruisit et posa sa main sur la clef. Jules était bien décidé à affirmer sa liberté. Sa liberté de mourir.

Il tourna la clef et attendit un cliquetis rompre le silence. Il appuya sur la poignée. Il ouvrit. Personne. Les Taureaux avaient rejoint leur enclos. Jules semblait bien seul, avec comme seule compagnie les cordes d'Aaron.

Jules se retourna. Un poing fonça sur sa figure. Il ne put l'esquiver. Un voile noir enveloppa ses yeux.

Noir complet.

      Coucou ! Voilà, Jules a découvert une partie de ses compagnons

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      Coucou ! Voilà, Jules a découvert une partie de ses compagnons... Il fallait s'en douter, on le savait tous. Malheureusement. Mais j'espère que vous aurez quand même aimé ce chapitre. Et.. qui a frappé Jules ? Une ancienne retrouvaille ?
      Je vais laisser le suspense assez longtemps parce que c'est la rentrée. Je ne vais pas pouvoir avoir le même rythme que pendant ces vacances. Mais je vous rassure, je pense qu'il reste au maximum cinq chapitres. Mais bon je me connais, je vais encore écrire pendant cent ans... Je vous souhaite une bonne rentrée à tous, vous savez, on est tous dans la même merde.
      À bientôt.
      Baptiste. 🌹
      Je vous aime.

      PS : Désolé pour cette image au début ! Les vrais reconnaîtront.

REVELUM [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant