Le jeune homme obéit sans discuter, dévoré par l'envie de remplir de nouveaux tiroirs à souvenirs. Il s'était installé sur le bord du canot, les pieds dans l'eau. Le clapotis de celle-ci se balada à travers ses orteils, lui procurant un sentiment de relâchement, de répit. Malgré tout, l'impatience balaya cruellement ce soupçon de détente. Elle le rongeait de l'intérieur, tel un enfant attendant sa surprise. Comment Jules s'était-il extirpé des bras de la Mort ?
– Je vais essayer de tout te raconter, Jules. Dans les moindres détails.
– Vas-y , Clara !
Jules se rendit rapidement compte que son empressement le rendait presque irritable. Il envoya un petit sourire espiègle afin de s'excuser.
– Bien, Jules. Nous étions dans le bateau de Revival, là où tout a commencé pour nous. Un Testeur est arrivé et a foutu la merde. Jusque-là, tu me suis ?
Le jeune homme répondit brièvement par un hochement de tête. Ici, les tiroirs étaient encore remplis.
– Puis on a réussi à atteindre un canot. Celui sur lequel tu te trouves en ce moment. Le canot attaché à notre prison, mais aussi à notre berceau de naissance, dit-elle d'un ton un tant soit peu maussade. Clint, toi et moi. Nous allions quitter ce cauchemar, mais le Testeur ne partageait visiblement pas cet avis. L'inévitable était arrivé. Ton arrivée était inévitable. Tu allais viré et lui allait se mettre à table.
La jeune femme ne put cacher sa satisfaction suite à ce qu'elle venait de prononcer. Jules, quant à lui, fit la moue. Il n'était pas sûr d'avoir saisi les contrepèteries de la dompteuse de mots.
– Tu n'as pas eu le temps d'esquiver une des pinces de la Chose, malgré mon avertissement. Tu as poussé un cri effroyable, que je n'oublierai jamais, et ton arme est tombée dans le canot, in extremis. Je te voyais fichu. Mort. Tu vacillais dans le ciel pareille à une proie inoffensive. Tes dernières secondes étaient comptées.
Jules dévora les élocutions de sa camarade. Au fur et à mesure que les syllabes passaient, il remplaça l'horizon par son imagination. Il se vit tournoyer dans les airs en train de hurler de peur, incapable de sortir de ce bourbier mortel. Il en avait le souffle coupé.
– Et c'est à ce moment-là que je me suis évanoui, j'imagine ?
– Tout juste. J'ai fait tout ce que je pouvais. Je savais que tu étais perdu, mais je ne me voyais pas continuer à vivre dans les remords. J'ai donc essayé de tirer sur la pince, mais celle-ci s'avérait coriace. Indestructible. Le Testeur hurlait de toutes ses tripes, mais ne te lâchait pas. Je savais pas s'il souffrait, au moins un minimum, ou bien s'il exaltait sa jouissance de créer le mal. Je ne pouvais plus rien faire. Hormis le canarder inutilement et décharger mon arme. Le soleil était mort. Mon arme aussi. Et je pensais que toi aussi.
Le débit de Clara était devenu saccadé. Elle regarda elle aussi l'horizon, et soupira. Jules remarqua la lèvre inférieure de son acolyte se trémousser, tout comme le reste de ses membres.
– Je suis désolée, Jules. On ne devait pas se quitter, et je t'ai lâchement abandonné.
Clara orienta sa tête vers ses pieds et laissa choir ses cheveux le long de son visage peiné. Le jeune homme ne savait quoi dire, mais il ne lui en voulait pas. Il savait pertinemment qu'il aurait fait de même.
– Comment je suis arrivé ici alors ? marmonna-t-il afin de rompre le silence, tout en tapotant le dos de la jeune femme.
Clara poussa un sourire des plus timorés et reprit son récit, d'un air hésitant.
VOUS LISEZ
REVELUM [EN REECRITURE]
AdventureAvez-vous déjà voulu être seul au monde ? C'est ce que Jules va découvrir. Non. Subir. Émergeant d'un sommeil profond, le jeune homme se trouve au beau milieu d'un bateau, accompagné de deux autres passagers, les dernières braises de l'humanité. Mai...