Partie 43

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Salam Ahleykoum

« Être une femme, c’est des responsabilités. Être une femme c’est accepter tout sans rechigner, sans dire un mot, être une femme c’est être soumise. Être une femme c’est ne pas travailler, à part en tant que fée du logis et dépendre de quelqu’un. Être une femme ça n’a pas de fierté. Être une femme c’est ne jamais hausser le ton, ne jamais donner son avis. Être une femme c’est toujours écouter les autres avant de s'écouter soi-même. Être une femme c’est faire des enfants, la cuisine et fermer sa gueule. Être une femme c’est être bête. Être une femme c’est ne pas faire d’études. Être une femme c’est supporter le poids des problèmes qui ne sont pas les siens. Être une femme c’est être mariée, avec ou sans consentement. Être une femme c’est être une salope quoiqu’il en soit. Être une femme c’est ne pas avoir de caractère. Être une femme c’est être faible. Moi je vous dis qu’une femme c’est tout le contraire : une femme c’est être maman et être maman c’est avoir le paradis sous ses pieds. Être une femme c’est accepté les épreuves de la vie et les réussir avec brio, sans aide. Être une femme c’est prendre soin de sa famille. Être une femme c’est être l’espèce la plus forte au Monde. Une femme c’est savoir aimer même si les sentiments ne reviennent pas. Être une femme c’est pardonner malgré toutes les saletés qu’on lui a fait. Être une femme c’est intelligent, être une femme c’est comprendre en une nuit ce qu’en une vie tu ne comprends pas. Être une femme c’est compliqué c’est vrai, mais c’est les épreuves du passé qui ont tout compliqué en réalité. Être une femme c’est savoir se remettre en question. Être une femme c’est savoir contrôlé sa fierté, la mettre en avant et la mettre sur le côté. Être une femme c’est tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Être une femme c’est doux et compréhensible. Être une femme c'est tout ce que tu n’as pas, que tu ne comprends pas, que tu ne vivras pas. Être une femme c’est une chance. »

Je tente d’ouvrir les yeux. Mes paupières sont lourdes, comme si, un énorme poids se trouvait juste au dessus de mes yeux. Je réessaye encore une fois, mais même ouvrir les yeux c'est pour moi une épreuve difficile digne des Jeux Olympiques. Je réussis. Je n’arrivais même pas à distinguer dans quelle pièce je suis. La cause : Mon œil gauche est tellement gonflé que je n’y vois rien.

Au fur et à mesure, mon œil droit arrive à s’habituer à l’obscurité. Je suis dans ma chambre, dans le noir. Allongée par terre. J’essaye de me lever mais j’ai des courbatures. Je ne me prends même pas la tête à réessayer et reste sur le sol, en essayant de toucher mon lit, mais il est beaucoup trop loin. Pas grave, je resterais sur le sol.

[…]

Je réouvre les yeux, avec un peu moins de difficulté que tout à l’heure. J’ai du m’endormir, cependant je me sens encore fatiguée, exténuée même. Je ne sais même pas quelle heure il est. J’ai l’impression qu’il y a moins de noir que tout à l’heure. Cette fois je me lève en poussant quelques gémissements, mais al hamdoulilah j’ai réussi. Je suis donc debout, je tremble, je n’arrive presque pas à tenir sur mes pieds. Je m’approche de la fenêtre, ouvre un peu les rideaux et effectivement on est en pleine nuit, on aperçoit au loin un début de lever de soleil. Mon œil gauche me faisait terriblement mal, j’avais l’impression qu’il battait la chamade, le gonflement peut-être. Je passe ma main dessus et… putaiinnn ça me pique ! J’enlève directement ma main et me dirige vers la salle de bain. Dans le couloir, il n’y avait aucun bruit. J’entre dans la salle de bain, appuie sur l’interrupteur mais la lumière m’empêchait de voir. Quand je fus habituée à la lumière, je posa mes yeux sur le miroir et… choc. Énorme choc même.

Mon œil était bel et bien gonflé, il avait triplé de volume. On voyait à peine ma pupille. Mon œil droit n’était pas amoché. J’ai des griffes sur le côté gauche de mon visage. Je regarde mon coude car il me faisait mal, et j’avais bel et bien attrapé un méchant bleu. Je… j’étais choquée… Quand Nabil me frappait ce n’était pas aussi moche à voir, enfin… il me frappait surtout dans le ventre, le dos et les jambes mais pas sur le visage… encore moins aux yeux… là j’étais euh… bouche bée. Choquée… Une larme coula de mon œil droit. Une seule. Et pourtant c’est cette larme, cette seule larme qui m’a montré que ce n’est pas possible ainsi, de vivre ainsi. Maintenant, ce n’est plus un jeu. Les enjeux sont trop grands, ce n’est plus des blessures morales mais des blessures physiques. Et même si c’est les paroles qui font le plus mal, sa violence fait mal aussi.

Il n’a pas la force d’une fourmis, et une femme ne fera jamais l’affaire face à un homme. La corpulence n’est pas la même, la force n’ont plus. Je me souviens encore de son poing qui touche mon visage. Sur le coup, je ne m’étais pas rendue compte, je n’avais pas mal. Mais le résultat est là sur mon visage. Et si j’ai fini endormie. C’est qu’il n’avait sûrement pas contrôlé sa force. Il m’a frappé comme si j’étais un homme, comme si son coup allait me faire quoi, une rougeur peut-être ?

A t’il oublié que je suis une femme ? Je commence sérieusement à croire, qu’en vérité je suis faible. Qu’en vérité je suis nulle et que je ne sers à rien. Je commence sérieusement à boire ces paroles, c’est vrai, je suis peut-être une pute. Si on m’a marié à lui, c’est que je suis sacrée salope. Il a raison. Et son coup je le mérite. A mes risques et périls.

J’allume l’eau. Me déshabille, et rentre dans la douche. L’eau glacée coule sur mon corps, je ne sens même pas l’eau. Je me frotte, tentant d’effacer mes souvenirs, tentant d’enlever ces pensées de ma tête, tentant d’oublier ce qui m’arrive. Je me frotte fort, ma peau commence à rougir mais c’est le cadet de mes soucis. Je veux oublier tout, mais cela ne fonctionne pas. J’approche mon gant de mon œil et… le frotte aussi. J’hurle. Ça me fait mal, la souffrance est horrible. Mon œil me brûle mais je ne m’arrête pas pour autant et frotte de plus en plus fort, les larmes coulant abondamment mais le débit de l’eau fait oublier ces larmes salées. Je m’arrête, je ne souffre pas assez. Je ne souffre pas assez. Il me faut plus, il me faut plus de souffrance, je suis une salope autant me punir moi-même. Alors j’attrape le shampoing. Dépose le liquide savonneux sur le gant de toilette, met un peu d’eau et me remet à frotter. C’est pire, j’ai l’impression que mon œil va éclater, et je crie. Je crie mais j’ai l’impression que rien ne sort. Cette putain de peine ne veut pas partir. J’hurle de plus belle tout en frottant, j’avale de l’eau et du savon mais rien ne fonctionne. Au bout d’un moment je m’arrête comprenant que ça ne sert à rien. Je reste assise dans ma baignoire, nue, pleine de savon et de sang pendant une heure. Les larmes coulant doucement. Je suis recroquevillée sur moi-même. J’aimerais tant parfois avoir une carapace et ne rien ressentir, j’aimerais tant avoir une protection anti-mots. Anti-douleur, anti-problèmes, anti-coups, anti-larmes. Mais cela est tristement faux. C’est tellement faux que ça me bouffe. A force de rêver on se bouffe, soi-même. J’aimerais vous dire toute la douleur que je ressens, tout ce besoin de me vider. Parfois, l’envie me prends, d’ouvrir mon cœur et enlever tous les maux qui y règnent. Puis d’ouvrir mon cerveau et de déposer quelques souvenirs aux oubliettes. Mais ça c’est tristement faux. J’aimerais tant trouver un moyen de ne plus y penser, de me dire heureuse encore une fois, une seule fois.

Et je serais heureuse avec Yanis. C’est vrai, c’est le seul qui a toujours été là pour moi, il ne m’a jamais laissé mais… qu’est-ce que je dis moi !! Il a toujours été là dis-tu ? Dans tous les moments les plus sales de ta vie, il était présent, prêt à ouvrir ces bras tu me dis ? Mais Chaïma, il est où là ?

[…]

Je suis dorénavant sèche. Je me lève, attrape une serviette et va dans ma chambre mettre un pantalon et un pull. J’attache mes cheveux et va dans la cuisine. Je n’ai pas encore regardé le dégât de mon œil, je n’ose pas.

Je commence à préparer un plat, pas parce que j’ai faim ou parce que je m’ennuie. Je le fais pour éviter une embrouille avec Anass. Je ne sais plus quel plat j’ai fait, mais quand j’eus finis de faire à manger, peu après le fixe sonna, je vais donc décrocher, c’était…

Chronique de Chaïma: Koulchi Bel MektoubOù les histoires vivent. Découvrez maintenant