Partie 65

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Partie 65

On arrive devant mon bâtiment, il est dix-neuf heures, des gars sont posés contre les murs. Ils nous regardent tous intrigués, on entend également des chuchotements, la cité commence à parler. Je n'ai jamais été la source de ragot du quartier, je ne l'ai jamais désiré et j'ai toujours voulu rester la Chaïma discrète que seul ses frères et ses sœurs connaissent réellement. Pour moi, avoir un cercle d'amis bien remplis ça n'amplifiait que tes ennuis, à part Lyliah, et encore, je ne me confiais à personne. Ah si, autrefois, j'avais un Ami qui était toujours là pour moi, qui me guidait à chacun de mes choix qu'ils soient petits ou grands, on avait des rendez-vous, et on se disait tout, Il m'écoutait et par la suite Il me facilitait les épreuves. Non ce n'est pas Yanis, c'est Allah. Avant quand je priais, les larmes me montaient automatiquement par crainte d'Allah, depuis mon mariage avec Anass c'est à peine si je fais mes prières à l'heure. Je me dégoûte moi-même, car je me fais à l'idée que j'ai changé. Et pas en bien, non non, en mal. Dans ma tête tout se rangeait, comme si une fois arrivée à mes sources, dans mon quartier, m'avait remise les pendules à l'heure. Je jette un regard à Anass. Oui c'est vrai. Ce mariage a été néfaste pour moi, s'il n'est plus là cela ne sera qu'un bien pour moi. Cette réflexion, j'ai pris du temps à l'accepter. D'ailleurs, je n'aurais jamais penser ça quelques mois plus tôt, depuis que j'étais tombé amoureuse d'Anass, je ne voyais que lui, ce mariage et cette souffrance qu'il m'a infligé au début je l'oubliais quand j'apercevais le regard d'Anass, qu'il soit méchant ou doux, pour moi c'était la même chose. Je l'aimais, et je l'aime encore d'ailleurs. Mais je venais de grandir dans ma tête, accepte les choses comme elles viennent Chaïma. Allah veux te retirer Anass ? Fais Lui confiance, ce n'est qu'un bien pour toi. Alors il faut que j'accepte, ça sera difficile, mais je placerais ma confiance en mon Ami, comme je le faisais avant.

On entre dans la cage d'escalier et on monte jusqu'à mon étage, enfin arrivés devant ma porte d'entrée. J'ai le pouls qui accélère, ça fait trop longtemps que je n'ai pas été confrontée à cette porte. J'étais heureuse de la revoir puisqu'elle indique ma famille, mais triste également, puisqu'elle signifiait la perte d'Anass. Anass frappa à la porte. Puis elle s'ouvrit, laissant apparaître ma mère.

Quelle réaction je pourrais avoir ? De la joie ? Mais aussi de la colère. Ma mère je l'aime plus que tout au monde, c'est un fait. Mais je n'oublie pas ces mois sans nouvelles, être mariée ne signifie pas ne plus avoir de famille ! Elle, comme les autres membres de ma famille n'ont jamais cherché à me joindre. A croire que je n'ai jamais était vraiment leur fille ou leur sœur. J'avais comme ce sentiment d'être rejetée à chaque fois, d'abord par ma famille puis par Anass. J'avais l'impression que je n'étais assez bien pour personne, toujours rabaissée, toujours nulle. Seul Naïm me donnait cet impression d'être importante, je me sentais bien chez lui c'est sûr et certain. J'avais envie de revenir vivre chez lui. Mais ma fierté allait m'en empêcher. Son « ok » sec n'est toujours pas passé. Puis de toute façon, mon père n'acceptera jamais. Parce que si je suis en dehors de son logis, que je sois une pute ou à la rue c'est mon problème, mais sous son toit, je dois être à ses ordres. J'avais 20 ans, j'avais grandis, pris de l'assurance, parce qu'en dépit de mes problèmes je m'étais forgée un petit caractère. C'était formel, je n'accepterais aucune forme d'injustice. Bon, je m'éloigne de l'histoire là, reprenons.

Ma mère resta immobile face à moi, j'apercevais dans ses yeux des larmes de joie sûrement. Elle s'approcha de moi et m'enlaça.

Ma mère « Benthi... benthi... tu m'as manquée ! »

Sans vous mentir, j'étais heureuse quand même de retrouver ma mère. Elle m'avait manqué elle aussi, pourtant ses mots là n'arriveront pas à sortir de ma bouche. J'ai ce goût amer qui avec ma famille, m'empêche de dire ce que je ressens. Comme si un mur nous séparait. Ce mur en vérité avait une base solide, basé sur la rancune, la colère, et la peine. Ces trois briques différentes qui forment ce mur, très grand. Comme la grandeur de ma mélancolie. C'est difficile de vous retranscrire ça, beaucoup ne comprendront pas, pourtant à ce moment là c'est ce qu'il se passait dans ma tête et surtout dans mon cœur.

Je me détachais de ma mère, lui sourit chaleureusement et on entra dans la maison. Il n'y avait que ma mère et Maneyl. Mon père travaillait, mes frères étaient dehors et Aniah dans le Sud chez ma tante. Quand j'ai vu Maneyl, on s'est fait la bise timidement. A sa façon de baisser la tête et de se gratter les cheveux, je sentais qu'elle s'en voulait. Il est bien tard pour avoir des remords. Personnellement dans ma tête c'était tout préparé. Je ne montrerais aucune part de rancune, juste de l'ignorance. Ils disent que l'ignorance est la plus dévastatrice des armes. Elle te bouffera ton amour propre, et tes remords. Parce que l'ignorance est calme et sans bruit, et c'est ce qui énerve le plus. Enfin bref, Anass m'a ramené mes bagages. Il a salué ma mère en nous disant qu'on irait voir l'Imam dès demain. Donc dès demain, je serais à nouveau jeune fille. C'est bizarre, tu parcoures la moitié de ton Dîne et en un coup de baguette, tu reviens au point de départ. Enfin, bon. La journée passe calmement, je ne suis pas sortie de ma chambre. Je n'avais envie de parler ni à Maneyl ni à ma mère. C'est égoïste mais il me fallait un temps d'adaptation. Puis dans la soirée, mon père est rentré. J'ai pu entendre ma mère lui expliquer. Et bien entendu, il n'est pas venu me voir. Fierté algérienne, je pense qu'on tient nôtre fierté de lui. Mon père est quelqu'un de très ferme sur ses paroles et ses actes, il ne reviendra jamais vers l'un de ses enfants, en froid ou non. Il a aussi une mentalité débile, et ça, je pense que vous l'avez toutes compris. On ferme tous nos gueules face à lui, on n'a eu aucun signe d'amour avec lui, c'est avec ses coups de ceinture et ses mains qu'il nous prouvait son amour pour nous remettre sur le chemin droit et simple. Enfin bref, un peu plus tard dans la soirée, j'entends l'un de mes frères rentrait. Il était 00h, je pensais que s'était Nabil mais non, j'entends la voix d'Issam toute proche de ma chambre. Dans ma tête j'espérais qu'il n'entre pas mais si...

Issam « Chaïma ? »


Chronique de Chaïma: Koulchi Bel MektoubOù les histoires vivent. Découvrez maintenant