Partie 73

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Salam Ahleykoum


Partie 73

J'étais assise sur le banc en face de cette rue. La rue où j'ai vu mon frère croupir dans l'ombre, à l'abri des regards indiscrets. Je suis déboussolée. Yanis était là il y a une heure, je lui ai expliqué la situation brièvement, sans trop de détails. Je ne voulais pas monter dans la voiture, à côté de Nabil et de sa déchéance. J'ai préféré attendre Yanis, ici. Besoin de souffler après ça.
Je l'aperçois enfin, son visage est encore flou, j'essuie rapidement les résidus de mes larmes avant que lui me voit.

Yanis « C'est bon, il dort dans la cave de ton bâtiment. »

« Merci Yanis, vraiment. »

Yanis « Tranquille c'est rien, c'est normal. T'as bien fait de m'appeler. »

« Non mais sah... (il me coupe) »

Yanis « Tais toi, je t'ai dit c'est rien allez viens on bouge. »

« Non je vais rester encore ici un peu »

Il fronce les sourcils.

Yanis « Cite moi une raison ? »

« J'en ai envie. »

Il ne répond pas, s'assoit à côté de moi sans un mot. La solitude m'apaise mais sa présence aussi. C'est fou, je ne saurais l'expliquer. C'est surement parce que Yanis, je le connais depuis des lustres, ce n'est pas un inconnu ou une connaissance. Yanis c'était mon bras droit. Drôle de coïncidence ou amitié qui perdure inconsciemment mais à chaque problèmes c'est lui que j'appelle au secours.

Il lève son bras délicatement et m'attire au creux de son épaule. Ce geste me fit rougir. C'est inhabituel et ça faisait trop longtemps que je n'avais pas eu de contact physique avec Yanis – rappelez-vous, autrefois Yanis et moi étions très proche, on se prenait dans nos bras etc. – mais je ne me suis pas éloignée. J'avais besoin d'une attention, d'un regard, d'un mot, d'un geste. J'étais mal et ça depuis longtemps. J'avance seule mais le cœur de plus en plus lourd.
Peut-on vivre sans amour ? Dis-moi, tu crois que c'est plausible ? Je pense que oui. A quoi bon vivre avec de l'amour si il n'est pas sincère, s'il se brise en prenant soin de nous briser par la suite. Il rend heureux puis il fait mal, c'est une souffrance qu'on aime vivre quelqu'en soit le prix et la cicatrice. C'est le sentiment le plus paradoxal qu'il puisse exister, le plus doux et le plus dur, le plus vrai et le plus faux, le plus long et le plus court, le plus beau et le plus laid... Je vivrais sans amour, j'attendrais la preuve, j'attendrais des actes.
Ma tête commence à me faire mal, mes paupières s'alourdissent. Je m'endors doucement, avec l'amère certitude que ce sentiment de protection et d'amour fraternel se terminera plus tôt que prévu...

(...)

J'émerge doucement, encore fatiguée.

Yanis « Ah tu t'es réveillé bagra ? »

Tout en m'étirant : « on va où ? »

Yanis « Je voulais te faire une surprise mais tu t'es réveillée trop tôt t'es nulle »

J'observe par la fenêtre de la voiture – parce que oui, il m'a porté dans la voiture, à l'arrière – il me semble qu'on est sortis du quartier et du quartier voisin aussi d'ailleurs.

« Et mais on est loin, tu m'emmènes où t'es malade, je ne veux pas de surprise! »

Yanis « Calmos scoobidou, on est presque arrivé. »

Je m'appuie sur les deux sièges de devant et lui tire les oreilles. J'ai continué à l'embêter jusqu'à ce qu'il me menace d'avoir un accident, après ça je me suis gentiment réinstallée à ma place.
Il se gare enfin, et on sort.

« Alors on est où ? »

Je m'étonnais moi-même de ne pas avoir criser plus que ça. Mais c'est Yanis, il ne me fera aucun mal j'en suis persuadée.

Yanis « Au kebaaaaab »

J'ai ri. Ce débile était fier de lui, il me montrait le grec comme si c'était un phénomène.

Yanis « Bah quoi t'es pas contente kehbouna ? »

En vérité, si. J'avais le ventre qui gargouillait. Je n'avais pas mangé depuis... bon, on s'en fiche, j'avais faim et c'est tout.
On rentre dans le kebab, on commande, j'insiste pour payer mon kebab et on va s'asseoir. En effet, avec Yanis il n'y a pas de chichis, on se connait depuis assez longtemps pour ne pas avoir honte l'un de l'autre. Alors quand il s'agit de payer, il me laisse tranquille et c'est ce que j'apprécie chez lui. Comme si c'était mon frère de sang... enfin, dorénavant, cette phrase n'a plus trop de sens...

Enfin, on mangeait tout en parlant quand me vint à l'esprit cette question :

« Mais elle va pas être jalouse ta copine ? »

C'est vrai, cette question est piégée, en fait je m'en fiche de savoir ça. L'épisode en ville m'avait marqué et ça me faisait bizarre de savoir que mon fréro était en couple, qu'il vivait heureux, en harmonie avec sa dulcinée pendant que moi je venais de vivre un divorce qui m'avait anéantie et humiliée.

Yanis « Ma copine ? »

« Bah oui. Celle dont tu m'avais parlé l'autre fois là »

Yanis « ah oui... »


Chronique de Chaïma: Koulchi Bel MektoubOù les histoires vivent. Découvrez maintenant