LIGHT HOUSE

Chapitre 17

Lui et moi attendions bien sagement dans le salon, n'échangeant pas même un traître mot.

Égal à lui-même, Park ne m'a pas jeté un seul coup d'œil. Mais cette fois-ci, c'était différent. Ce n'était pas par fierté habituelle, j'en étais sûre. Mais bien parce qu'il était gêné du comportement qu'il avait eu la veille. Pour une fois je pouvais le regarder sans avoir à baisser les yeux quand il relèverait les siens pour me défier. Cette fureur que j'avais entrevu dans ses pupilles sombres était toujours bien présente, sur des yeux plus petits et fatigués certes, mais elle était là, et elle semblait être la clé de la rancune et de l'agressivité du chanteur en plus d'être mon nouvel objet d'étude.

- Mabel, m'a-t-il interpellé alors qu'il relâchait la pression de sa nuque.

C'était la première fois que je l'entendais prononcer mon nom sans que je puisse percevoir une moindre ironie, ce qui m'a fait sourire par négligence. Heureusement pour moi, son regard n'avait pas quitté le parquet.

- Je suis désolé. Tu sais pour hier, je n'étais pas dans mon...

- Etat normal. ai-je complété

Il a enfin osé poser les yeux sur moi, embarrassé, puis m'a laissé terminer :

- C'est ce que j'avais cru comprendre.

Entendre ces mots sortir de la bouche de Park avait créé en moi un sentiment de victoire, ou plutôt de réconfort. Le voir dans cet état remettait en cause la conclusion que j'avais déduit quelques jours plus tôt. Park n'était pas un monstre, ça lui arrivait aussi d'être humain. Un humain qui reconnaissait ses erreurs.

Le silence s'est installé de nouveau dans l'appartement situé en plein Manhattan, ne laissant pénétrer aucun bruit dans la pièce principal, mais faisant tout de même exception à la sonnerie du téléphone de Park, qu'il avait aussitôt attrapé entre ses longs doigts pour le coller à son oreille.

Merle devait être à l'autre bout du fil si j'en devinais la courte conversation qu'il avait eu. Ses mots s'étaient restreints à quelques "Mmmh...oui"

Lorsqu'il a raccroché, Park a prit une longue et bruyante inspiration pour finalement m'annoncer qu'il était temps pour nous d'y aller.

Sans plus tarder, mais avec beaucoup d'appréhension et de mépris à l'égard du personnage qu'incarnait Merle Davis, j'ai empoigné ma valise de quinze kilos d'une main, et ai maladroitement tenté de me diriger à l'aide de la deuxième vers la porte de sortie, sans grand résultat. C'est à ce même moment que je me suis remémorée le fameux jour où je me suis retrouvée coincée devant cette marche si minuscule et si grande à la fois. Elle m'avait défié. J'étais certes obstinée, mais j'avais lâchement perdu. Et puis tout était allé si vite. Un inconnu était venu m'aider, sans que je me doute que son geste innocent serait devenu le déclencheur de ma vie actuelle. Cette misérable vie qui se rythmait aux bruits des flashs, à toutes ces surprises et ces imprévus. Cette journée me paraissait si lointaine aujourd'hui. S'il existait un bouton re-start, j'appuierai dessus sans hésiter, et quand la journée recommencerai, je hocherai tout simplement la tête lorsque Flynn me demanderait s'il pouvait m'aider à entrer dans l'épicerie.

Park a remarqué mon essai malheureux. Alors il a soupiré et s'est approché de moi, plus sûr de lui que ce qu'il ne l'était il y a encore quelques minutes.

- Attends, attends... tu fais quoi là ? Tu n'es pas Catwoman il me semble ? M'a-t-il interrogé en haussant ses sourcils. J'ai secoué tête en restant muette devant ses yeux clairs posés sur mon visage. Effectivement, je n'avais pas de costume en latex.

- Alors passe-moi ça. Je ne lui avais pas tendu ma valise qu'il me l'avait déjà arraché des mains sans discuter, pour ensuite prendre l'initiative de passer devant.