Chapitre 18

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Naturellement, Park avait regretté son geste. J'avais pu le deviner à la manière dont il scrutait à présent ses pieds, tout en gardant ses bras croisés, ayant bien conscience que les deux bonhommes n'avaient rien à voir avec cette histoire de billet.

La voix de l'hôtesse a résonné en un écho lorsque cette dernière a annoncé l'embarquement de notre vol. Etrangement, le nom de notre destination n'avait pas été prononcé à la suite de sa phrase. Juste les quelques chiffres qui correspondait au numéro de notre avion. Un coup de Merle, encore. J'en étais sûr. 

- Bon. Sérieusement arrêtons ce petit jeu, d'accord ? A murmuré Byers, affichant un grand sourire malhonnête. Où est-ce qu'on va ?

- Ce ne serait pas drôle si on vous le disait a rétorqué Pharrell après avoir pris une longue inspiration.

Bien qu'il eu pris le soin, ainsi que son compagnon, de masquer le nom du lieu sur nos billets d'avion comme le feraient des gamins, prétextant une demande de leur supérieur, Pharrell n'était pas méchant. Au contraire c'était un homme plutôt gentil et divertissant. Alors que, une heure plus tôt, des employés s'étaient occupés du placement de mon fauteuil dans la soute pour ensuite m'en ramener un autre ; miteux mais qui semblait d'après eux, apte à m'emmener jusque dans l'avion, celui ci m'avait évoqué sa vie de famille. Il m'avait mimé les fois où il remplaçait inconsciemment le lait de son café matinal, par celui maternelle, pour finir par tout recracher sur sa tenue de travail. Ainsi que les fois où il se retirait discrètement après avoir enfin réussi à endormir sa fille, mais pas pour bien longtemps, car soit il se prenait la porte, soit il marchait sur une de ces infernales peluches couinantes qui faisait criser sa fille encore plus fort que Merle la fois où il s'était trompé d'hôtel en allant chercher les garçons. 

Park a serré les poings pour éviter de se mettre de nouveau en colère. Et remarquant que je le fixais avec insistance en espérant qu'il comprenne que ce n'était pas une bonne idée, le chanteur a soupiré et a empoigné son sac à dos pour avancer vers le long couloir avec les billets déjà valides en mains, évitant une énième attente.

"Je rêve où il a suivi ton conseil ?" a soufflé ma conscience.

Les deux gardes du corps s'apprêtaient à sortir juste avant que Pharrell ne tourne sa tête, et que je puisse lire sur ses lèvres un "bonne chance".

Sa phrase bienveillante aurait normalement dû m'apaiser, me réconforter et non pas provoquer en moi un sentiment de détresse et de peur. Pourtant, c'était le cas. Et c'est pour la énième fois que je me suis retracée les évènements de cette dernière semaine. C'était aussi infernal qu'involontaire. Les images défilaient sous mes yeux tout en m'agrippant le coeur, le serrant comme une éponge que l'on voudrait essorer. Elles me figeaient sur place, ces images. Je ne pouvais pas bouger comme je ne pouvais pas les empêcher d'intervenir tandis que les gens commençaient à se ruer au comptoir et que Park se dirigeait vers le bolide.

Puis je me suis rendue compte assez rapidement que ce n'était pas seulement ces deux mots qui me terrifiaient et m'oppressaient. Mais bien le fait que désormais, j'étais dans cette salle, entourée de tous ces inconnus me dépassant d'au moins un bon mètre, et qui se pressaient pour faire valider leur place, se resserrant sur moi au passage. J'étais seule. Seule au milieu de tout ce monde, à cause d'un de ces satanés moments d'absence, avec en boucle, ce même schéma qui occupait 90% de mes pensées. 

J'avais beau le chercher du regard, je ne le voyais pas. Aucun signe de Park. Alors j'ai commencé à paniquer. Mes mâchoires se serraient, se desserraient pour ensuite recommencer les mêmes actions en dessous d'une vision trouble.  

C'est finalement après plusieurs secondes, qu'un inconnu d'une vingtaine d'années est venu m'extirper de la file. Ce dernier s'était plutôt bien débrouillé. Il avait agrippé mon fauteuil tout en me parlant d'une voix douce et posée. Mais je ne l'écoutais pas. J'étais bien trop occupée à chercher Byers du regard. D'autant plus que, pour ne pas changer, je n'avais aucune idée de ce qui était en train de se passer.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant