Chapitre 65

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Après son coup de fil m'assurant de l'impossibilité de sa venue au festival en raison d'un pneu crevé, Flynn Nelson avait quitté le bar à la fin de son service. Il avait marché tout en bravant le froid, et ce sur plusieurs kilomètres.

L'affiche du festival, il ne voulait pas la manquer, disait-il, tout comme l'opportunité de voir un sourire se dessiner sur mon visage quand je l'apercevrais, lui, qui m'apparaitrait alors comme un preux chevalier.

C'était donc le pouce en l'air qu'il avait déambulé sur les trottoirs dans l'espoir qu'une voiture s'arrête et qu'elle l'achemine vers son lieu de destination. Et c'était ce qui était arrivé. Flynn n'avait pas dû marcher autant qu'il l'aurait cru, puisqu'après une heure à avancer sans moyen de transport, une berline semblait avoir entendu son appel au secours, et s'était garée sur le bas côté de la route.

Millie. Glenn. Fred. Il se souvenait de leur prénom sans être habité par le moindre doute.

Fred, c'était le chauffeur, m'avait-il déclaré. Il travaillait dans une station service et avait claqué son salaire pour payer des billets de festival auquel ils se rendaient; lui et sa copine, suivit de près par son meilleur pote ; Glenn. 

Déjà bien alcoolisés mais avec enthousiasme, ils avaient tous les trois insisté pour que le vagabond qu'ils avaient trouvé sur le bord de la route monte avec eux. Après avoir longuement hésité mais n'ayant aucune autre solution qui s'offrait à lui, Flynn s'était lancé, et avait embarqué à l'arrière de la berline, à côté de Glenn, des canettes de soda, de bières, et des mégots.

La bagnole sentait le tabac froid, mais Flynn se gardait de faire le moindre commentaire, déjà bien reconnaissant d'avoir trouvé quelqu'un d'assez aimable pour avoir eu pitié de son personnage jusque là enseveli dans la neige, le souffle gelé.

Alors ils avaient pris la route. Mais c'est là que les choses ont commencés à se gatter : Les jeux de volants sont arrivés (dans le genre « je-le-lache-pour-me-retourner-et-attraper-une-clope » ; « je-slalome-pour-faire-peur-à-ma-copine »), et l'engueulade a commencé. Enervée par les idioties de son petit-ami, Millie l'avait insulté. Chose que Fred n'avait pas apprécié, puisqu'il s'était mis à rétorquer. Puis Glenn s'en est mêlé, prenant la défense de la jeune femme jusqu'à commettre une gourde. Le genre de gourde que tu évites de balancer lorsque tu te tapes la nana de ton copain depuis plusieurs mois.

Fred a perdu le contrôle. Littéralement. Celui de la voiture, et celui de son corps. La route, elle, n'était qu'un détail sans importance. Jack Clark et moi même, l'étions aussi.

- Ils ont paniqués. M'a assuré Flynn.

Fred n'a pas quitté la voiture. Il cramponnait son volant pour tenter de ne pas vaciller. Les deux autres ont quitté le véhicule. Légèrement amochés et cramponnés chacun à l'autre ; ils se sont avancés vers l'Antiquité. Millie pleurait, Glenn tentait vainement de la rassurer.

Quant à Flynn, il était facile pour moi de me visualiser ses actes à présent. 

Son visage au dessus du mien, sa main sur mon épaule qui avait laissé une marque, mon corps sorti du tas de féraille, mon prénom prononcé. Rien d'autre. Il n'avait pas eu besoin de me les préciser.

Il aurait voulu rester, qu'il me disait, tout comme Millie. Mais les deux amants de celle ci ne souhaitaient que prendre la fuite. Elle avait donc fini par céder.

Ils l'avaient menacés de lui régler son compte s'il parlait. Il avait peur lui aussi, peur que je ne lui pardonne jamais. Alors il les avait suivi ; il était monté dans la bagnole, le regard vide, et il avait quitté les lieux de l'incident en prenant tout de même la peine de passer un coup de fil anonyme aux urgences.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant