Chapitre 35

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Park avait déboulé à l'extérieur comme il avait déboulé dans ma vie ; violemment, et à temps.

J'avais entendu les portes claquer, et sans même prendre le temps de regarder qui cela pouvait bien être, j'avais profité de la surprise de Joe pour libérer mes mains et lui imposer des coups sur son torse gonflé par la bière.

La douleur infligée l'avait obligé à me laisser tomber. Mon dos avait heurté le sol brutalement, laissant certainement quelques égratignures par la même occasion.

Et puis j'avais rampé. Rampé vers un coin sombre où il ne m'apercevrait plus.

Et il ne m'avait pas aperçu. A vrai dire, ses yeux ne s'étaient plus posés sur les miens. Juste sur ceux de Park. Un regard de terreur qui entre en contact avec la terreur elle-même. Je lui avais inoculé quelques coups au torse, Park s'était occupé du reste.

Le moteur de la voiture vrombissait silencieusement. J'étais dans ses bras, tentant vaillamment d'effacer cet épisode de mon esprit qui me revenait sans arrêt. Mes yeux quant à eux n'ont pas vagabondé. Ils se sont contentés de le scruter, lui. Les lumières à l'extérieur éclairaient les contours de son doux visage. Un doux visage, et des traits durs comme la pierre.

Park regardait droit devant lui, ses doigts chatouillant mon bras pour apaiser mon angoisse. Parce qu'elle était encore là. Bien présente, avec pour grand copain un souffle toujours aussi fracassant et douloureux. Cette affliction s'accrochait fermement, et avait fini par s'imprégner de ses doigts, de son touché. Elle m'étouffait, et s'emparait maintenant de ce qu'il y avait de réconfortant, de ce qui était innocent. Elle voulait me noyer, m'empêcher de sortir la tête de l'eau pour pouvoir respirer l'air frais mêlé à une écœurante odeur de cerise que j'associais à ce satané arbre magique imposé par Orlando.

Park a retiré sa main aussitôt qu'il a compris.

Il ne m'a pas dit qu'il m'avait prévenu. Il ne m'a pas dit que je l'avais mérité. Il ne m'a pas dit que j'étais faible. Simplement que je pouvais me calmer, que je n'avais plus à m'en faire, que tout irait bien, il m'a dit qu'on arriverait bientôt à la maison, à notre maison.

Nous sommes sortis du van dès l'instant où notre chauffeur a posé son pied sur le frein.

Park a demandé à Cyrus de récupérer les clés de la maison dans sa poche arrière et d'ouvrir la porte d'entrée. Ses mains étaient déjà prises.

Quand le barman a interrogé le chanteur sur ce qu'il était supposé faire après ça, Park lui a dit qu'il pouvait rentrer s'occuper de sa « pourriture-de-boss », de lui cogner une beigne s'il en avait encore besoin, et de ne plus jamais le laisser refaire ce qu'il avait fait aujourd'hui. Il l'a ensuite autorisé à repartir avec notre voiture, lui annonçant qu'il passerait le lendemain matin pour la récupérer.

Park ne l'a pas remercié lorsqu'il a quitté le phare. Il ne lui a pas rendu son « au revoir ». Il n'a pas répondu à ma place lorsque Cyrus s'est excusé pour ce qui c'était passé, comme je l'aurai espéré. Il était certainement en colère. Non, c'était certain. Park était en colère contre tout le monde, sans arrêt, moi la première. Il était en colère, mais il avait été là, au bon moment, juste avant que l'Univers ne décide de me punir pour mon énième bêtise.

Même entre des bras que j'aimais admirer, j'étouffais. C'était Park, j'en avais conscience. Mais mon corps ne le comprenait pas, admettant seulement ce qu'il voulait bien croire. Byers n'était pas le problème. J'étais le problème. Joe était le problème.

- De l'eau. J'ai besoin d'eau. J'ai expliqué en essayant de m'exprimer du mieux que je le pouvais.

Il m'a aussitôt abandonné sur le canapé et a répliqué en secouant ses bras engourdis par mon poids.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant