Chapitre 57

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- Qu'est-ce que tu voulais dire ?

- Quand ça ?

- Tu sais, l'autre soir, au bar. Quand tu as dit que j'étais différente. Pourquoi est-ce que je suis différente ? Je ne veux pas être différente.

Park a esquissé un sourire. La tête contre son torse, j'ai senti sa poitrine se soulever.

- Eh bien, je n'en connais pas beaucoup qui arriveraient encore à chanter du Four Non Blondies tout en étant complètement bourré.

Il a baissé sa tête, a froncé les sourcils, et a observé chaque partie de mon visage avec intensité.

- Tu es triste, mais tu ne sembles pas l'avoir compris.

- Crois moi, je l'ai compris.

- Alors pourquoi ?

- Continue, s'il te plait.

- Tu te poses des centaines de questions. Tu questionnes l'univers, mais tu sais que tu n'obtiendras pas de réponses.

- Pourquoi n'y a-t-il pas de réponses ?

- C'est une autre question sans réponse tiens. Je dirais que c'est mieux ainsi. Peut-être qu'il n'y en a tout simplement pas.

- Et, imaginons que ce que tu viens de dire sois vrai, comment est-ce que tu le saurais ?

- Parce qu'on est pareil.

- Tu crois ?

- J'en suis certain.

***

A l'aube, on a pris la route. On ne savait pas trop ce qu'on faisait, on avait juste ressenti le besoin de rouler. Alors on est montés dans la jeep. Le soleil s'est levé, le moteur a ronronné. On a roulé. Les vitres ouvertes, la brise venait se joindre à nous pour nous embrasser. On ne voulait pas rentrer, on ne voulait pas s'arrêter.

On a roulé. Pendant des heures, et j'ai espéré que les minutes ne s'éteignent jamais.

On a allumé la radio, on a souri, et c'est lorsque les violons ont commencé que ma vie a démarré.

- Ca Park ! C'est ça ! J'ai hurlé avant de gesticuler dans tous les sens, et de frapper de mes propres poings le tableau de bord.

- De quoi est-ce que tu parles ? A demandé le conducteur qui me lançait des coups d'œils paniqués.

« I'm the king of my own land. »

- La musique. Celle qui aurait dû me suivre dans les airs. Celle que j'ai cherché là-haut. C'est bon ! Je l'ai trouvé ! C'est elle Park ! C'est elle !

- Celle ci ?

Son doigt s'est laissé glisser sur le bouton du volume, et j'ai vacillé en avant pour enfoncer mes doigts dans la chair de mes jambes, les yeux remplis de larmes, la peau qui se figeait aux notes de la mélodie.

« Facing tempests of dust, I'll fight until the end. »

Les violons s'élevaient, la guitare m'embrassait, la flute me dorlotait, la batterie se crispait et les basses me secouaient.

« Creatures of my dreams raise up and dance with me »

J'ai laissé le virage me faire glisser jusqu'à lui. J'ai posé mon menton sur son épaule, et j'ai souri avant de lui susurrer dans le creux de l'oreille.

« Now and forever. »

- C'est ça Park, on l'a trouvé. C'est fini, on peut être libre maintenant.

« I'm your king. »

Il m'a souri. J'ai cru pendant un bref instant que Park Byers allait pleurer. S'il l'avait fait, je l'aurai suivi.

Les basses sont réapparues, mon cœur aussi. Mon organe était présent, plus que jamais, lui qui battait tellement vite, à tel point que j'ai cru en avoir besoin d'un second.

J'ai passé la tête en dehors de la vitre, et j'ai hurlé. J'ai hurlé et j'ai ri. Tellement fort, que les larmes que je retenais ont coulé, pour se laisser instantanément figer par le vent qui me foutait le visage avec violence et passion.

C'est en admirant le soleil qui sortait de son sommeil, que je me suis souvenue du temps, lui que j'avais attifement considéré comme mon ennemi. Lui qui m'avait pris Jack, lui qui m'avait pris ma mère.

Aujourd'hui, j'en avais fini. Je ne voulais plus me battre contre lui. J'avais déjà mené assez de batailles comme ça. Aujourd'hui, j'essayais de m'adapter, de profiter lorsque je le voyais s'élancer sous mes yeux. Et d'occuper mon ennuie lorsque celui-ci se faisait plus paresseux.

Parce qu'il est parfois endormi, parce qu'il est parfois tellement rapide qu'il en devient invisible.

Sans le temps, l'univers n'existerait pas. Rien n'est plus élémentaire et mystérieux que le temps pour comprendre la galaxie.

Il arriverait un jour où l'on disparaitrait, tous. Plus d'humains, plus de Terre, ni de trous noirs. Je pouvais simplement souhaiter, alors que le plus gros des astres s'élevait sous mes yeux hors de l'eau, que les étoiles continuent de vivre. Vivre ; et non pas survivre. Vivre, scintiller, et éclairer de nouveaux mondes lorsque des êtres se perdront dans l'obscurité comme je l'ai été, moi, et mon âme vagabonde que je pensais avoir retrouvé.

La vie de chacun ne tient qu'à un fil. A un simple petit bout de corde qui s'abîme en un rien de temps. La vie de notre espèce aussi. Alors il était hors de question pour moi de gaspiller une seconde de plus à mépriser.

Le temps n'était pas mon ennemi. Loin de là. Il veillait sur moi, comme un pense bête qui me rappellerait que la vie est trop courte pour se contenter. Je ne pouvais plus avoir peur du passé, je ne pouvais plus avoir peur du futur parce nous n'étions pas hier, nous n'étions pas demain, nous étions aujourd'hui.

Et aujourd'hui, c'était le reste de notre vie.

On a roulé.

Je l'ai regardé. Et qu'est-ce que j'aimais ça, le regarder.

On a roulé.

On avait beau être l'huile et le vinaigre, on était aussi Bonnie et Clyde, Shelly et Bobby, John et Claire, les étoiles et le reste de l'Univers.

On a roulé, sans se douter des heures qu'on allait passer.

On a roulé, sans se douter que dans la soirée, on monterait au phare ; en dessous des étoiles, et qu'on le ferait.

On a roulé, et la musique, je ne l'ai jamais oublié.

La flèche du temps s'est arrêtée pour nous laisser régner une dernière fois.

Nous étions maîtres de l'Univers, et nous le resterions à jamais. Maintenant, et pour toujours, la galaxie était ma reine.


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Voilà pour ce chapitre (qui est un peu court, je vous l'accorde mais) qui me tient particulièrement à coeur en raison de sa puissance. Après des mois à me retenir de l'écrire sur un vieux bout de papier en cours de philo, je suis finalement parvenue à me retenir pour au final tout vous livrer tout en respectant le déroulement de l'histoire. Ce chapitre 57, je l'ai rédigé en écoutant en boucle la chanson dont les paroles apparaissent dans ce passage ; c'est certainement pour moi, la plus belle et la plus grandiose musique que j'ai pu écouter jusqu'à aujourd'hui. 

Je ne vous donne pas encore son titre, vous le découvrirez (peut être) dans les prochains chapitres, si Mabel parvient un jour à en trouver son auteur :) 

Ce chapitre est l'avant dernier de cette deuxième partie du "roman", et a certainement été le plus intense pour moi. 

Qu'avez vous pensé de la fiction jusque là ?  N'hésitez pas à me donner vos ressentis qui, malheureusement pour moi, se font très rares


LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant