Chapitre 25

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J'étais restée sur le ponton. Il m'avait proposé de l'accompagner, mais j'avais gentiment refusé, encore légèrement secouée. Park m'avait embrassé. Park m'avait embrassé. Park m'avait embrassé. J'avais beau me le répéter, ça ne sonnait toujours pas juste.

Je me tâtais à rentrer. Est ce qu'il m'attendait ? Je me posais la question sans pour autant vouloir en connaître la réponse.

Il s'était montré si gentil avec moi que s'en était étrange. Etrange et déconcertant. Je ne l'avais pas connu comme ça. Aussi entreprenant, aussi attentionné. J'avais plutôt appris à accepter l'image d'un homme froid et indiscipliné qui m'avait sorti d'un pétrin pour me faire aussitôt tomber dans un autre. Il s'était métamorphosé avant même que j'ai le temps de digérer son caractère bien trempé.

Malgré la couche de serviette qui me protégeait du vent, mon duvet invisible n'était toujours pas retombé sur mes bras dont le tissu avait imbibé les quelques goutes restantes. La température avait sacrément baissé et je commençais à littéralement me transformer en iceberg. Alors j'ai fini par rentrer.

Du perron, j'observais Park, fouillant dans le frigo à la recherche de quelque chose d'autre que la pizza de la veille pour remplir son estomac. Il avait enfilé un pull beige et avait troqué son jean noir contre un, plus confortable. Il ne m'a pas entendu lorsque je suis rentrée par la baie vitrée du salon. Alors je me suis retirée discrètement dans ma chambre. J'aurais pu aller directement dans la pièce où je dormais pour éviter de le croiser, mais d'un autre côté, j'espérais secrètement qu'il me remarque. Qu'il me parle. Qu'il me dise pourquoi il avait agi ainsi.

« - Mabel, c'est toi ?

- C'est moi.

Dans un moment de faiblesse, j'avais décidé d'appeler Flynn.

-Je suis content de t'avoir, ça fait un moment. Comment ça se passe à Manhattan ? m'a t-il demandé d'un ton enjoué qui ne lui ressemblait pas, étant donné le contexte de ma situation.

- En fait, je ne suis pas à New York.

- Quoi ? Mais où es-tu ?

- Je suis dans une ville paumée, au fin fond de l'Oregon. 

- Je ne comprends pas.

- Ca va faire un peu plus d'une semaine je dirais. On perd un peu le fil du temps ici. Merle nous a envoyé dans ce trou pour qu'on apprenne tous les deux à se connaître, Park et moi.

- Pourquoi est-ce que tu ne me l'as pas dit ?

- Je ne sais pas, tu ne répondais pas à mes appels et puis tu semblais distant dans tes messages.

- Disons que c'est compliqué.

« Oui, c'était compliqué ». Flynn n'était pas à Wheeler. Et je n'étais pas à Brooklyn. C'était la première fois que nous étions séparés plus de cinq jours.

Nous avons laissé tous deux le silence s'installer.

- Tiens, je ne sais pas si tu te rappelles de Steeve, le gars qui travaillait avec moi au Roger's. Il a ouvert sa propre boîte de nuit dans le Queens avec ses cousins. Il veut m'engager comme barman.

- Oh, c'est génial.

- On dirait oui.

- Tu vas accepter ?

- Je ne sais pas.

- Tu ne sais pas.

- Je ne sais pas. »

La discussion au téléphone avec mon ami n'avait pas duré cinq minutes que nous n'avions déjà plus rien à nous dire. Flynn tentait tant bien que mal de combler les vides en chantonnant, ça n'avait servi à rien. Alors après m'être résolue à demander une troisième fois ce qu'il y avait de neuf, j'ai finalement prétexté un appel de Merle, et j'ai raccroché.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant