Park s'est mis à me parler de plus en plus de ses parents, de sa sœur ; beaucoup plus âgée que lui mais dont il avait toujours été très proche. De la vie qu'il avait embrassé avant de rencontrer le succès. La célébrité, ce n'était pas quelque chose qu'il avait prédit ou bien calculé. C'était son professeur de musique qui l'avait inscrit après l'avoir surpris à plusieurs reprises, durant les heures de pauses, à interpréter en catimini des morceaux qu'il avait écrit, et à faire vaciller ses doigts sur une mélodie composée sur le piano de la salle de cours, une autre fois avec une guitare ou un violon dans les mains. Il l'avait poussé à continuer, mais Park avait assuré qu'il arrêterait. Juste pour le plaisir de contredire un adulte. Et finalement après avoir passé des auditions que d'après lui, il avait complètement foiré, il s'était retrouvé dans cet engouement, se laissant glisser sur la vague de l'argent, des filles, des concerts. Et voilà où ça l'avait mené ; avec moi, dans un phare en plein milieu de nul part.
Quatre jours s'étaient écoulés depuis l'incident de chez Joe.
Et je m'en remettais. Petit à petit, même si je me reconstruisais plus rapidement cette fois. Quand on a déjà dû rassembler les pièces d'un puzzle, la seconde fois devient forcément plus facile. On se remémore de nos quelques souvenirs, de nos quelques astuces, et des quelques pièges que l'on doit à tout prix éviter. Alors on sépare les pièces à arrêtes de celles qui n'en ont pas. Puis on place les angles, on continue avec les bords et enfin, seulement après, on peut commencer à assimiler les bouts de cartons qui composent l'intérieur. Et c'est ce que je faisais. C'est ce que j'avais appris à faire. Par habitude peut être. Alors c'était facile. Facile mais parfois compliqué. Parfois il arrive qu'une pièce ne trouve pas sa place. Il se peut que, jamais, elle ne parvient à s'emboiter. Et alors on panique. On panique et on se demande si elle a vraiment un emplacement prédestiné sur cette image.
Je repensais à tout le schéma, à tout ce que j'avais vécu l'année précédente. Il était arrivé que le surprenne, seule, dans la chambre en pleine journée, allongée sur le lit, alors que quelques minutes plus tôt, j'étais assise autour de l'îlot avec lui.
Il m'avait surprise, mais n'était jamais entré. Il avait compris que la solitude était un besoin. Pas seulement chez moi. Mais chez tout être humain. J'avais besoin d'être seule, non pas face à l'Univers, mais avec lui.
La vie devenait plus facile dans la petite ville de Wheeler. Il faut dire que Park y était pour beaucoup.
Et c'est cet après-midi-là, alors que je venais à peine de me réveiller -après avoir passé une nuit blanche à discuter-, encore aveuglée par les rayons du soleil qui s'amusaient à chatouiller mes draps, que Park m'a demandé de m'habiller.
- Non, ne me dis pas que tu m'emmènes encore dans un de ces bars miteux ?
- Ne dis pas de bêtises. Allez, prépare-toi, avait-il alors répondu des plus sérieusement
- Park, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée...
- Fais-moi confiance. Il s'est tu, et puis a repris. Cette fois, juste cette fois.
Et c'est ce que j'ai fait ; lui faire confiance, parce que je n'avais pas de raison de ne pas l'écouter. La dernière fois que j'avais ignoré ses paroles, la soirée s'était terminée en bain de sang, et je m'étais retrouvée paralysée, non pas seulement des jambes, mais de tout mon corps. Aucun muscle n'avait pu bouger, tétanisés. Alors je suis repartie dans ma chambre et j'ai fait ce qu'il m'a demandé. J'ai enfilé un jean, un vieux débardeur à peine repassé, qui illustrait les paroles de Stray Heart
- You're not alone
And now I'm where I belong

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LIGHT HOUSE
Genç KurguVenez découvrir l'histoire de Mabel Clark; une jeune fille passionnée par l'Univers et ses mystères qui, après un événement bouleversant, n'a qu'une hâte; sortir de son fauteuil roulant. Sans même qu'elle ne s'y attende, la jolie b...