LIGHT HOUSE

Chapitre 19

Deux trois magasines plus tard, j'ai fini par réussir à me détendre et à oublier que nous avions quitté le sol. Tandis que je continuais de feuilleter les pages d'un catalogue technique illustrant plusieurs types d'avions et qui expliquait avec soin, par l'intermédiaire de petits bonhommes noirs, les multiples manipulations en cas de problèmes, Park, lui, m'avait très clairement fait comprendre qu'il ne souhaitait pas faire la conversation en insérant dans ses fines oreilles, ses écouteurs.

C'est au bout de quelques minutes que j'ai détourné mon regard de la vitre, la tête fatiguée par la lumière du soleil, pour poser mes yeux sur son téléphone, apercevant alors le chanteur tapoter sur son écran tactile. Et c'est là que je l'ai vu; cette chanson. Celle dont le titre qui défilait sur le verre trempé m'avait fait sourire tout en provoquant en moi une sorte de déchirement. 

I Just Wanna Live ; Good Charlotte.

 Ce groupe que j'avais tant apprécié le jour du festival, mais qui n'était qu'un autre de ces éléments qui ne cesserait de me rappeler cette affreuse soirée d'hiver. J'ai secoué la tête vivement pour chasser ces pensées sordides de mon esprit déjà bien trop dérangées. Puis je me suis collée, comme j'aimais le faire, à la vitre fraîche du hublot. Peu importe le mal de crâne que cela me provoquait, j'étais prête à tout pour éviter toutes ces petites choses qui me ramenaient sans arrêt, en plus de mes jambes immobiles, au pire moment de mon existence. Il était temps que j'arrête de me torturer, que je tourne la page pour de bon. Je l'avais fait une fois ; réitérer l'action ne devait pas être bien compliquée. C'est alors que j'ai senti une force minime peser sur mon épaule droite. Je n'ai pas eu besoin de tourner la tête pour comprendre que Park s'était endormi sur mon épaule. 

Bon Dieu. Il s'était endormi sur mon épaule.

"Rien n'aurait pu être plus gênant..." A soufflé ironiquement ma conscience qui se tordait de rire tandis que j'essayais de réfléchir à une solution.

Mes joues se sont empourprées et mes yeux sont sortis de leur orbite respectifs. Ce vol était pourtant si bien parti... Qu'est-ce que j'étais supposée faire ? Le laisser dormir sur mon épaule qui commençait à s'engourdir ? Ce serait d'autant plus gênant, même si au fond de moi je craignais de le réveiller en sachant pertinemment que juste après, Park Byers serait en rogne.

J'avais du mal à réfléchir. Ses cheveux bruns effleuraient mon menton et le chatouillait à chaque fois que je dégnais bouger la tête ne serait-ce que d'un millimètre. Son parfum enivrant, à la fois doux et sauvage, ravivait mes sens, ce qui n'arrangeait rien à la situation peu confortable dans laquelle je me trouvais. Fidèle à moi même, j'ai soulevé avec délicatesse la tête de mon voisin pour le maintenir droit, parallèle aux accoudoirs. Une fois mon objectif atteint, je suis retournée à mon ennuyante occupation qu'était celle de regarder le bout du monde à travers les nuages. D'autant plus ennuyante que la seule chose que l'on pouvait à présent apercevoir dans ce brouillard était la lumière clignotante de l'aile gauche de notre avion. Et alors que je pensais en avoir fini avec Park Byers, sa jolie tête brune a de nouveau basculée sur mon épaule, et je n'ai pu empêcher un soupir de sortir d'entre mes lèvres gercées. Malgré tout, il ne me gênait pas plus que ça, et même en ne le connaissant que peu, je savais que si je le réveillais, son humeur ne ferait qu'empirer. Un de mes sourcils s'est levé pour se baisser rapidement, en repensant à la façon dont il s'était métamorphosé en l'espace de quelques minutes. Il m'avait aidé à m'asseoir tel un gentleman, lançant une vanne pour détendre l'atmosphère, m'avait rassuré pour mon premier vol, puis silence radio. Il s'était coupé de tout ce qui se trouvait autour de lui. Il avait même grossièrement répondu à l'hôtesse avec qui il avait pourtant flirté un peu plus tôt, et n'avait pas même pris la peine de la regarder quand cette dernière lui avait demandé s'il souhaitait boire quelque chose.