Ses mains gigantesques m'hypnotisaient. A vrai dire, c'était la seule partie de son corps que j'étais jusque-là, parvenue à déchiffrer. Ses doigts jouant avec les boutons de sa manchette montraient clairement qu'il appréhendait quelque chose. Mais encore une fois, j'étais bloquée. Parce que je n'avais pas la moindre idée de ce que pouvait bien être ce quelque chose. Une petite voix dans ma tête mourait d'envie de lui poser la question, mais je savais bien qu'on le regretterait toutes les deux. Alors j'ai préféré tenir ma langue et me suis contentée d'observer ses poignets remuer nerveusement.
J'ai fini par détourner mon regard et poser ma tête contre la vitre glaçante. Le contact froid du carreau contre ma joue m'a fait frémir. Mais très vite, cette sensation m'a quitté pour laisser place à un sursaut lorsque des fans se sont de nouveau mises à tambouriner telles des furies, contre la vitre de la voiture.
- Nous sommes arrivés ? ai-je questionné Hector – tout en ayant conscience que les hurlements de l'extérieur m'empêcheraient sans doute d'entendre sa réponse. - j'ai tendu l'oreille.
- Oui mademoiselle Clark, nous sommes à deux pas du Shea Stadium.
Le Shea Stadium. Mon estomac s'est noué comme une éponge qu'on essorerait. J'étais supposée aller y voir jouer les Metz, deux semaines après le festival de l'an passé. Ce devait être une surprise, organisée par mon père. J'avais trouvé les billets dans un tiroir du salon quelques jours avant le déménagement.
Une nouvelle secousse provoquée par les fans m'a sorti brutalement de ma nostalgie. Ce qui semblait beaucoup amuser Park.
Tandis que la voiture s'arrêtait, j'ai été stupéfaite de voir tout ce beau monde reculer plutôt que de se jeter sur nous comme des fauves. J'ai rapidement compris pourquoi : des gardes du corps. Deux bonhommes incroyablement baraqués, aux costards à la Blues Brothers, avançaient vers le quatre-quatre tout en bloquant chacune de leurs tentatives. L'un d'entre eux, très intimidant, et dont l'œil vif scrutait tous les côtés, est venu ouvrir ma portière. L'autre empêchait, avec force et fermeté, les groupies de grignoter du terrain. Quant à Hector, il est sorti de la voiture à ses risques et périls, a empoigné mon fauteuil et l'a fait glisser jusqu'au plus grand des body Guards. D'un battement de cils, ce dernier m'a porté et m'a posé avec précaution sur mon siège. Il m'a adressé un bref sourire, et a annoncé d'un signe de la main qu'il était temps pour Park Byers, de sortir de son carrosse.
- Essayez de rester derrière moi ! A crié le bonhomme aux trapèzes inhumains à travers le brouhaha général.
Park s'est emparé des poignets en métal de mon fauteuil et m'a poussé, le sourire aux lèvres pour combler ses admiratrices. J'observais les deux chaperons qui nous acheminaient vers le grand stade. Leurs regards sévères, marqués par des sourcils froncés, jetaient des coups d'oeil incessants de gauche à droite. Je me sentais en sécurité, et en profitais pour admirer le panorama en face de moi. J'étais déjà passée plusieurs fois en voiture devant le stade, rêvant de pouvoir y voir s'y jouer les plus grands matchs. Et c'était ce qui aurait dû arriver. Je ne l'avais encore jamais approché de si près. Une fois la sécurité de l'entrée franchie, le bruit des fans n'était plus qu'un bref écho dans un stade presque vide. Je contemplais ce qui se trouvait autour de moi. Il n'y avait personne. Hormis quelques techniciens travaillant sur la scène, certainement pour la représentation du soir. Les yeux écarquillés et la bouche entrouverte, j'essayais pourtant de cacher mon émerveillement alors que je me trouvais dans cet endroit où mes pensées pouvaient s'échapper. J'ai jeté un coup d'oeil à la personne à mes côtés. Je savais bien que Park était aussi impressionné que je l'étais, même s'il ne laissait rien transparaître. Comment ne pas l'être, quand on sait que l'on va chanter devant des milliers de personnes et que ces sièges, vides maintenant, se rempliraient jusqu'au dernier ? C'était peut être devenu une habitude pour lui, mais habitude ou non, toute personne saine d'esprit appréhenderait un évènement de cette envergure. Et en effet, sa mâchoire serrée et sa poitrine gonflée me le laissaient deviner. J'ai souri, ce qui a attiré involontairement son attention. Je sentais que je m'approchais de ce quelque chose. Il n'était donc pas si énigmatique qu'il le laissait croire. Nous nous sommes avancés lentement vers l'endroit où tout allait se dérouler. L'estrade était trois fois plus grande que ce que j'aurais pu imaginer.
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LIGHT HOUSE
Teen FictionVenez découvrir l'histoire de Mabel Clark; une jeune fille passionnée par l'Univers et ses mystères qui, après un événement bouleversant, n'a qu'une hâte; sortir de son fauteuil roulant. Sans même qu'elle ne s'y attende, la jolie b...