Chapitre 44

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On a roulé pendant un petit moment. J'ai fini ma nuit involontairement, la tête sur l'épaule de Park. Ça n'a pas semblé le déranger, il n'a pas bougé.

J'ai ouvert les yeux quelques minutes avant que l'on atteigne le terminus, réveillée par un estomac qui me faisait défaut. Après s'être tu pendant pratiquement tout le trajet, Mike nous a finalement demandé ce qu'on faisait dans un coin pareil à une heure aussi tardive.

- Je tenais à lui faire découvrir un autre monde.

Voilà la réponse qu'avait fourni Park Byers.

Un rictus au coin des lèvres. C'était l'effet que me faisait l'apparition d'un endroit -que je ne pensais pas apprécier autant- dans mon champ de vision. Wheeler, je l'aimais cette ville. J'aimais ses eaux, j'aimais ses collines verdoyantes, son esprit aussi aventureux que casanier, j'aimais son phare, j'aimais sa proximité avec l'Univers. J'ai jeté un rapide coup d'œil à Park. J'ai pensé qu'il songeait à la même chose que moi.

Peut-être que c'était le cas. Peut-être qui l'aimait, cette ville. Cette ville qui avait connu nos états d'âme depuis maintenant presque un mois. Oui, peut-être que Park l'aimait, et peut-être qu'il ne le montrait tout simplement pas.

Je n'ai pas compris. Ce sourire rassuré qui habillait mon visage n'avait pas pris possession de celui de mon voisin. Au contraire. Park restait impassible ou presque. Par ses mâchoires appuyées, un mouvement léger des oreilles pour froncer frugalement les sourcils, j'ai deviné que quelque chose l'avait frappé.

Les yeux rivés sur lui, j'ai suivi son regard, aspirant à découvrir la raison pour laquelle Byers n'avait aucune réaction. J'étais prête à laisser s'évader la risette que j'avais tenté de garder accroché. C'est en pivotant la tête que j'ai découvert ce qui semblait le contrarier. C'est là que je les ai vu. Ces voitures. Un certain nombre. A la porte de notre maison. Et avant même que je puisse me demander pourquoi est-ce qu'un parking fictif avait été aménagé devant chez nous, Mike s'est arrêté.

- Je suppose que c'est votre maison. Et moi qui pensais que ce pauvre phare avait été abandonné depuis années...

Il l'était. Il l'est toujours. C'est juste une couverture. Une couverture attachante.

- Quoiqu'il en soit je garde votre bagnole pour un petit moment, et j'appellerai votre ami Orlando pour qu'il vous tienne au courant et qu'il vienne la chercher lorsqu'elle sera fin prête. En revanche cette petite épave va vous coûter la peau des fesses.

J'aurai voulu lui répondre que ça nous arrangeait bien. J'aurai voulu lui répondre que c'était Merle qui allait payer.

Les genoux chargés des affaires avec lesquels ont avait passé la nuit, je me suis avancée, suivi de près par Park, vers la façade de la maison qui ne nous était plus aussi familière. Elle qui avait l'habitude d'être abandonnée, avec pour seul compagnie notre van rouge, n'était aujourd'hui plus aussi délaissée. Six voitures s'étaient garées sur la pelouse, laissant d'affreuses traces de roues que Jack n'aurait jamais laissé passer. Jack vouait une passion incomprise pour le gazon. Quand il n'était pas en train de bosser ou d'être allongé devant ses séries ainsi que ses matchs, des miettes de sa tartine au beurre de cacahuète sur le ventre, il aimait passer son temps en plein air. Il regrettait souvent le fait que l'on n'ait pas de plus grand jardin. Il disait qu'il aurait aimé m'y voir courir, qu'il aurait aimé m'y apprendre le baseball plutôt que de faire cinq kilomètres pour pouvoir m'enseigner les bases dans un parc mal fréquenté.

J'ai de suite reconnu la voiture d'Orlando. Cependant aucune autre ne m'avait rappelé une quelconque personne. Park semblait aussi interloqué que moi. Il a alors suggéré que l'on passe par le jardin qui faisait face à une mer plus calme que ces derniers jours. L'herbe était néanmoins toujours humide, obligeant Byers à s'occuper de moi.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant