Chapitre 22

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J'étais contrariée. Non, contrariée n'était pas le bon mot. J'étais en colère, furax après son commentaire. Certes, il n'était pas au courant pour l'accident ni pour tout ce qui s'en était suivi, mais de quel droit osait-il dire une chose pareille ? Park et moi n'étions décidément pas fait pour vivre sous le même toit. Si seulement il n'y avait pas eu ce contrat, si seulement il n'y avait pas eu cette rencontre, si seulement il n'y avait pas eu cet accident. Si seulement. J'avais beau souhaiter revenir en arrière, nous étions au final, tous responsables de nos choix. La vie était ainsi faite.

J'ai attrapé mon lecteur mp3, j'ai engouffré les écouteurs dans mes oreilles, et j'y ai retrouvé les sons familiers qui m'ont aussitôt détendu. Avant, j'avais coutume de taper du pied contre le sol au rythme d'une chanson entraînante, imaginant ma plante battre contre la pédale d'une batterie virtuelle. Et à présent, quand je fermais les yeux, j'arrivais parfois à ressentir la sensation que me procurait cette image. Comme si au fond de moi, je savais que j'y parviendrai de nouveau un jour. Et même si cette pensée était loin d'être une certitude, elle ne pouvait pas mieux me remonter le moral.

Quand je me suis réveillée, mes écouteurs étaient éparpillés sur ma poitrine, ils avaient dû tomber. Plus aucune de mes musiques ne défilaient sur l'écran de l'appareil. Mes yeux ne désiraient qu'une chose, que je replonge dans mon sommeil, mais mon estomac en avait décidé autrement. L'horloge sur la table de chevet indiquait les vingt-deux heures. J'ai attrapé d'une main la poignée de mon fauteuil pour le rapprocher, et ainsi me permettre de m'y installer. J'ai roulé encore à moitié endormie, vers la cuisine, comme si le frigo m'appelait. Le vent continuait de claquer contre les volets de la maison. Ca aurait été le genre d'endroit parfait pour tourner l'un de ces films d'horreur, où de jeunes habitants se retrouveraient harcelés par un fantôme qui leur enverrait alors des messages subliminaux. Ça me faisait rire. Ce genre de film ne m'avait jamais vraiment terrifié. 

Pour ma plus grande peine, le réfrigérateur était à moitié vide. Il ne restait plus que quelques bières. Pas assez pour que je me retrouve avec une gueule de bois. C'est à contre cœur que j'en ai empoigné une seule, n'ayant finalement rien d'autre à me mettre sous la dent pour calmer ma faim. Quand j'ai fait demi-tour, un léger frisson m'a parcouru l'échine, entrevoyant, tapis dans l'ombre, la silhouette imposante de mon colocataire. Il est sorti de sa cachette dans la seconde qui a suivi. La faible lumière du clair de lune qui était parvenu à traverser le volet, mettait merveilleusement en valeurs ses doux yeux clairs. Il ressemblait à un ange, mais il n'en était pas un. Loin de là.

- Tu as faim ? M'a-t-il questionné d'un mouvement de la tête.

Je n'ai pas répondu. La condensation de la canette commençait à tremper mes mains.

- Il reste une part de pizza sur le plan de travail si tu veux. J'en ai commandé une. C'est drôle mais ce n'est pas si facile de trouver une pizzéria ouverte à...

- Ne te sens pas obligé de me parler.

J'ai attrapé la dernière part de pizza encore chaude.

Il n'a pas tout de suite réagi.

- Pour ce que je t'ai dit tout à l'heure. Je suis désolé. Je sais que j'ai été...

- Que tu as été quoi, Park ; con ? Injuste ? Méchant ? J'ai dit calmement, en gardant mes yeux fixés sur la nourriture.

- Je ne me suis pas rendu compte que j'avais pu te blesser. Ça m'arrive des fois. Ce n'était pas dans mes intentions.

Ses paroles froides mais peut être sincères n'y changeaient rien. S'il avait prononcé ces mots quelques heures plus tôt, c'est qu'il les pensait. Et je commençais à bien connaître ce trait-ci chez Park. Celui qui n'hésite pas à dire ce qu'il pense, sans même se soucier de ce qui peut en découdre.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant