Chapitre 40

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La tête dans les nuages, les minutes m'ont paru si courtes. Si courtes, et pourtant si magiques.

David nous attendait, prêt à nous réceptionner à notre descente tandis que je profitais de mes derniers instants aux côtés des oiseaux, aux côtés de Park.

J'ai photographié de ma mémoire chaque instant que j'avais vécu là-haut. Tout là-haut. Parce que c'était les plus importants, mais aussi parce que c'était certainement la seule fois où s'offrait à moi l'occasion de me sentir aussi proche de ce qui m'obsédait.

Mon arrivée sur le sol oregonais a été un déchirement. J'étais un ange déchu, à qui on avait coupé les ailes alors qu'il venait de les obtenir après tout ce temps passé à en rêver.

Jamais je n'avais été aussi prêt de toucher l'Univers. Du bout du doigt, je sais que j'aurai pu chatouiller la lune. 
J'ai fermé les yeux, et j'ai apprécié le spectacle que m'offrait les éléments face à la violence du vent.

Les hautes herbes se déchainaient, offrant une symphonie grandiose en osmose avec la mer.

C'était fabuleux. Jamais je n'avais autant apprécié la beauté de l'Univers.
 Jamais je n'avais autant apprécié la beauté de la Terre.

Dénuée à présent de mes accessoires, je me suis mise en retrait.

Park et David discutaient entre eux, certainement du bon temps passé sur une colline quelque part en Australie.

J'ai essayé d'imaginer Park à cette époque, à l'époque où il n'était qu'un adolescent, simple, ordinaire, pas encore bouffé par les médias ni par cette rage incessante.

Je le voyais bien, là-haut, sur sa montagne, à regarder passer les gens avec la posture qui disait que le monde lui appartenait.

Non pas comme s'il se sentait supérieur, mais bien comme si le monde s'ouvrait à lui pour le laisser entrevoir ses mystères.

J'espérais qu'il était heureux, j'espérais qu'il l'était toujours.

Je les ai remercié mille fois. Juste pour m'avoir laissé découvrir un morceau de ce monde que Park connaissait certainement déjà.

On a repris la route, laissant David ranger le matériel malgré l'insistance avec laquelle on s'était proposé pour l'aider.

Mais il avait assuré que ça ne le dérangeait pas, au contraire, que ça lui permettait de réfléchir tout haut. Il nous l'avait expliqué d'un sourire gêné, comme si cela semblait idiot. Mais ça ne l'était pas, ça non.

Jack aussi passait son temps à parler seul. Alors je le lui ai dit.

- Il le fait toujours ? M'avait-il demandé.

- Il l'aurait fait.

J'ai souri en l'imaginant se poser des questions existentielles, dans le noir, à deux heures du matin, après avoir terminé la saison énième de Dr Who.

- Le père de David aussi est décédé dans un accident de voiture. Souhaitant certainement rester discret, Park a glissé ces mots derrière mon oreille, faisant voler quelques mèches de mes cheveux par son souffle chaud.

- Une bande de jeunes complètement ivres. C'est ce que disait ma mère. Mais je sais très bien que mon père avait plus d'alcool dans le sang que les trois gamins réunis.

C'était raté.

- Ce n'était pas quelqu'un de bien. Il n'a jamais vraiment été droit dans ses bottes. Mais il ne méritait pas ça.

Le visage de David s'était transformé. Il ne me paraissait plus étranger, il ne me paraissait plus introverti. Il ne semblait plus être le même que celui que j'avais rencontré une heure auparavant. Mais je voyais toujours Seb. Un Seb en colère.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant