Chapitre 10

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Aujourd'hui, ma vie se résumait à un mauvais scénario d'un roman qu'on aurait trouvé sur un banc de central park, pensant certainement qu'un individu l'aurait laissé ici pour faire profiter de sa découverte à un inconnu. Et finalement, c'est en constatant les premières pages qu'alors on comprendrait les motivations du propriétaire ; il trouvait tout bonnement que même les poubelles ne méritaient pas de recevoir un déchet pareil. Mon déchet.

Je me suis dirigée vers la chambre, laissant derrière moi un enfant, certainement en train de rigoler de la petite blague qu'il venait de me balancer à la figure.

Je pensais. Rien ne vagabondait mieux en mon esprit que la question de ce qu'allait devenir ma vie, et plus précisément, de ce qui m'attendait en cette journée. Peut être que j'allais rester ici, peut être que Flynn comptait m'appeler ? Mais j'en doutais. Il avait l'air bien décidé à ne plus me voir. A ses yeux, je ne devais pas valoir plus que cet idiot de chanteur avec qui désormais, je passerai mes longues et interminables journées.

Un gigantesque miroir recouvrait la moitié du mur en face de la porte victorienne, dans la salle de bain. Je me suis penchée, poussant sur mes petits bras, vers le robinet en or de l'énorme baignoire dans laquelle j'allais pouvoir me détendre. Puis j'ai esquissé un sourire en découvrant un pot en cristal dans lequel se trouvaient tous les produits dont j'avais besoin pour passer un bon et agréable moment.

Et c'est une fois que l'eau chaude eut coulé à la hauteur que je désirais, que je me suis déshabillée -toujours dans mon fauteuil- pour ensuite en sortir et m'allonger dans la baignoire remplie d'une mousse scintillante. J'ai frémi à peine assise ; la chaleur de l'eau me parcourait le haut du corps. Je m'enfonçais dans cette masse de bulles étincelantes au parfum de lavande et d'épices tandis que mes yeux se fermaient instinctivement de plaisir. Je me serais presque endormie. Mais les ennuis étaient toujours dans un coin de ma tête. J'avais beau essayer de ne penser à rien, hormis à la douceur de cette épaisse mousse collée à mon menton et à mes épaules qui me suppliaient de m'enfoncer un peu plus encore dans la baignoire ; je n'arrivais pas à faire le vide. Je me demandais sans répit ce qui pourrait bien arriver dans les prochaines heures, les prochains jours, les prochains mois. J'aurais très bien pu rester là, allongée, à admirer la vue. Pour une fois, j'aurais pu me sentir grande, face à tous ces gens qui, du haut de cet étage, s'agitaient et me semblaient minuscules. Mais j'étais trop préoccupée. Cependant, l'idée qu'en ce moment même, certains courraient après un taxis, que d'autres scrutaient leur montre pour arriver à l'heure à leur entretien en tentant d'éviter de renverser leur Starbucks sur leur nouveau costume « cadeau-de-maman », me dilatait la rate. 

Finalement, si chacune de mes journées consistaient à prendre du bon temps dans un bain chaud, alors l'année qui suivrait n'allait peut être pas se révéler aussi horrible que ce que je pensais. Les yeux fermés, mais les oreilles grandes ouvertes, j'étais à l'affût du moindre bruit autour de moi. Je pouvais entendre chacun des sons qui fusaient : le bruit des dernière gouttes du robinet qui tombaient bruyamment en écho dans le jacuzzi, et une voix rauque qui chantonnait un air que j'avais du mal à me remettre en mémoire. Ce devait être celle de Park. 

Je ne l'avais encore jamais discerner. Ou en tout cas, pas dans mes souvenirs. Peut être qu'il m'était arrivée de l'entendre une fois à la radio, ou dans les couloirs de mon lycée à la pause déjeuner. Ce moment où les jeunes filles aussi populaires que détestables cherchent à se faire remarquer pour que d'autres, plus naïves, plus vulnérables, les idolâtrent et tentent de les imiter en écoutant la même musique, en portant les mêmes habits et en adoptant les mêmes attitudes. Ce n'était pas sa voix qui m'interpellait, non. Elle était belle, elle était rauque ; c'était un fait. Mais cette fois ci, c'était la chanson, qui avait retenu mon attention. Les paroles me revenaient difficilement en tête, mais pourtant, sans m'en rendre compte, je les chantais. D'abord en chuchotant, veillant à ne pas me faire entendre. Puis avec un peu plus d'aisance, ma voix se calait au rythme de celle du jeune homme qui se trouvait de l'autre côté de l'appartement. Et peu à peu, tous les souvenirs, tous les moments passés à écouter cette chanson ont récidivés dans ma mémoire.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant