C'est finalement ce jour ci que je me suis souvenue. Ce fameux jour où l'on croit que sa vie est au plus bas de son échelle des moments de stupeurs et de trépicdance. Un jour simple en apparence, mais qui pourtant se révèle être celui que l'Univers a choisi.
C'était ce jour ci, devant mon meilleur ami en furie, assise en face de lui de ma posture habituelle qui me faisait paraître si minuscule, que l'image m'est apparue.
J'observais avec incompréhension son visage qui, personnifiant la colère en elle même, semblait déjà m'asservir de coups avant qu'il n'administre l'impact final sans qu'il n'en ait conscience.
J'avais fini par baisser le regard, terrifiée par le sien, tentant d'afficher un air constant à chaque fois que par mégarde, je rencontrais ses sourcils tremblants.
Et puis elle m'est violemment apparue ; cette image fragile dont j'ignorais à ce moment même l'existence ainsi que ce qu'elle signifiait. Ses doigts oppressants ne serraient plus simplement mon bras avec tact, mais aussi tout mon corps pour finir par appuyer son touché sur des choses que j'avais oublié.
Comment j'avais pu les oublier ?
J'ai alors levé les yeux pour m'accrocher aux siens, à quelques centimètres des miens. Debout, tandis que j'étais assise sur la chaise que je m'étais approprié il y avait déjà plus d'un an de ça, l'expression sur son visage s'est métamorphosé. Est-ce qu'il avait conscience de l'erreur de débutant qu'il venait tout juste de commettre ? Ou bien, est-ce que le fait que je soutienne son regard l'avait surpris ?
J'ai cru lire sur ses lèvres «Mabel, qu'est-ce qu'il y a ? ». J'ai froncé les sourcils, analysant minutieusement ce bras qu'il venait de relâcher après l'avoir violemment serré.
Ce n'était pas la première fois.
Je me suis souvenue.
Je me suis souvenue a l'instant même où ses doigts sont entrés en contact avec ma peau.
Son pouce allait me laisser une nouvelle marque. Au même endroit, juste pas la même année.
C'était comme un déclic, comme si sa main singulière avait balayé une partie de mon cerveau sur lesquels les poussières des mois s'étaient accumulées. Une main qui ne s'était pas posé sur mon bras pour la première fois. Voila ce que c'était.
Toutes ces images me sont réapparues, comme si elles ne m'avaient jamais quitté. J'ai regardé une nouvelle fois son visage, et j'ai souri. Je n'aurais pas dû sourire. Au fond je ne souriais pas du tout. J'étais même terrifiée. Terrifiée de ce que je m'apprêtais à réaliser. Mais j'ai souri parce que je le reconnaissais, parce que je résolvais mon mystère, celui de mon Univers.
Je me suis souvenue m'être réveillée l'espace de quelques secondes, une douleur affreuse qui ne me laissait pas le temps d'avoir peur. Des coups de couteaux.
Je me suis souvenue que "Love Me Two Times" n'était plus ce qu'elle était.
C'était toujours aussi sombre, à chaque fois que j'osais me le remémorer.
Je me suis souvenue du froid et de sa violence. De ces jambes que je ne sentais plus.
De ces yeux que j'avais fini par ouvrir, de mon souffle aussi incontrôlable que gelé. De ce sang, partout. Ce sang dont il était responsable. De ce corps allongé à côté du mien qui en était sa victime.
Je l'avais aperçu, son visage à quelques centimètres du mien, je l'avais aperçu mais j'avais dû vouloir l'oublier. Il m'avait appelé. L'entendre prononcer mon prénom en avait été insoutenable.
Il me regardait de son air craintif, horrifié. Je ne voulais pas qu'il me regarde. Je n'ai pas su répondre. Je n'en ai pas eu le temps.
Je me suis souvenue de sa main qui secouait mon bras. A cet endroit, ce même endroit qu'il avait touché là, dans ce nouveau présent. Une deuxième fois.
J'en avais gardé la marque pendant plusieurs jours. C'était cette même marque qui était responsable de mon corps étendue sur le sol l'instant d'après, de mon visage allongé sur l'herbe gelée. Je brûlais. Comme si un feu déployait ses flammes sur ma joue. Ce n'était finalement pas le froid qui la causait, cette douleur, mais plutôt le fait que je me rende compte du rôle que jouait Flynn Nelson dans cet scène.
Je me suis souvenue que j'en avais pleuré. Je me suis souvenue que j'en avais pleuré, non pas parce que j'étais blessée, mais bien parce que Jack était mort, et parce que l'identité du responsable était imprégnée en moi et que s'en était insupportable. Pourtant je l'avais oublié.
Je me suis souvenue l'avoir rêvé. Mais dans mon rêve, Flynn Nelson n'était pas celui qui me sortait de la voiture. J'avais bêtement remplacé le visage de mon ami par celui de mon père en en déduisant qu'il m'observait toujours de là haut.
Il se tenait là, devant moi, et j'étais plus chamboulée que je ne l'avais jamais été. J'étais passée du flou le plus total, à une révélation qu'au fond de moi, je connaissais depuis ce jour là. Si à plusieurs reprises après l'accident, mon ami m'avait demandé si je me souvenais de quelque chose, c'était parce qu'il l'était ; ce "quelque chose". Flynn Nelson était celui qui était responsable de la mort de mon père. Et aujourd'hui, tout m'apparaissait plus clair.
J'avais été idiote. Idiote de laisser mon inconscient s'emparer de ce souvenir horrible. Et pourtant, il avait voulu m'avertir ; à ma sortie de l'hôpital, j'avais souhaité oublier Flynn, « un mauvais pressentiment » je me disais. Mais ce n'était pas un pressentiment. C'était un fait passé, un sentiment d'insécurité qui m'en empêchait, et que je n'avais au final, pas pris la peine d'écouter.
Cette partie de mes souvenirs, je l'avais laissé s'engouffrer au fond de moi. Mais lui, il n'avait jamais dû l'oublier. Il avait vécu tout ce temps à mes côtés en prenant garde à ce que je ne m'en remémore jamais.
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LIGHT HOUSE
Teen FictionVenez découvrir l'histoire de Mabel Clark; une jeune fille passionnée par l'Univers et ses mystères qui, après un événement bouleversant, n'a qu'une hâte; sortir de son fauteuil roulant. Sans même qu'elle ne s'y attende, la jolie b...