Chapitre 5

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Quelques épis qui donnaient l'impression qu'il n'avait pas dormi, mais une tenue impeccablement repassée qui assouvissait cette opinion, je n'avais jamais été aussi heureuse de retrouver Flynn Nelson adossé aux boites aux lettres de mon immeuble. C'est pourquoi, lorsque ses yeux ont rencontré les miens, je n'ai pas pu contenir ma joie. De toute façon, je n'en avais pas envie, alors je me suis empressée de venir à lui, un rictus reconnaissant affiché sur le bout de mes lèvres.

- Je suis désolé, je me suis emporté, il a aussitôt déclaré en me tendant le bouquet d'orchidées blanches comme un enfant qui offrirait un dessin à sa maitresse d'école.

Mon sourire n'avait certainement jamais été aussi large qu'il ne l'était à ce moment précis. Ou peut-être que si. Il y avait cette fois, lorsque l'orque de Sauver Willy, après plus de deux heures de film, et pour lui ; un sacré périple parcouru à l'arrière d'un van, avait enfin pu être remis en liberté, lui permettant alors de retrouver les siens. J'avais dix ans.

J'étais heureuse, et il le savait, il le voyait.

- Tu n'as pas à t'excuser, je te comprends tout à fait étant donné que j'aurai probablement réagi de la même manière. C'est juste que je ne peux pas faire autrement.

- Je sais mais tu...

Je l'ai coupé avant même qu'il n'ait le temps de finir sa phrase :

- Flynn, s'il te plaît, ne parlons pas de ça.

- Bien.

Je lui ai adressé un sourire pour évaluer son humeur. Il me l'a rendu dans la seconde.

- Bon, on y va comment à ce rendez vous ? Je le reconnaissais bien là, lui, et son ton faussement enjoué.

- On m'a fait savoir qu'une voiture m'attendait, elle doit sûrement être devant, allons voir. Flynn s'est dirigé vers la porte vitrée de l'immeuble pour l'ouvrir en un coup de vent, me laissant alors sortir en première, mon fauteuil et moi. J'ai frissonné à la seconde où j'ai passé la tête dehors. Il faisait froid, et je n'avais qu'un vieux gilet pour me protéger du vent qui lui, prenait un malin plaisir à s'emparer de mes mèches rebelles pour me fouetter le visage.

La rue était calme. Il n'y avait aucune voiture. Pas un bruit, pas un chat. Seulement cet infatigable bourrasque qui ne sortait décidément jamais sans un ciel couvert.

- Regarde, là !

J'ai tourné brusquement la tête tout en suivant du regard la direction que pointait du doigt mon ami. Un monstre ; c'était le premier mot qui m'était venu à l'esprit lorsque je l'ai aperçu. Le genre de monstre devant lequel mon père s'extasiait. Il adorait m'expliquer chaque détail, chaque étape nécessaire à la conception de cet engin, à la suite de quoi il poussait des cris d'enfant tout en m'obligeant à le prendre en photo, le dos calé contre l'une des vitres du humer.

Un vieil homme un peu enrobé se tenait juste devant, abrupt, élégamment habillé, malgré une tenue de chauffeur qu'il semblait ne pas vraiment apprécier. Entre ses gros doigts congelés comme tout le reste de son corps, se trouvait une pancarte avec inscrit les lettres de mon prénom "MABEL CLARK".

- Tu crois que c'est pour nous ? J'ai demandé à Flynn.

Même si le bolide sous nos yeux semblait nous appeler, nous sommes restés figés, lui comme moi, le regard estomaqué.

-A ton avis ? Il est marqué quoi dessus ? Il a rétorqué en désignant du menton le bout de papier. La Reine d'Angleterre ?

Flynn a agrippé mon fauteuil et s'est avancé lentement vers notre carrosse. Qui aurait pu croire qu'un jour je monterai dans un humer en y étant forcée ? Certainement pas moi. Tout en levant légèrement sa casquette de service pour nous dévoiler un crâne dégarni, le chauffeur nous a salué poliment avant de nous ouvrir la porte arrière. Mais aucun de nous n'avait supposé qu'il y aurait un problème. Un problème de taille que je me suis empressée de faire remarquer à Flynn et à notre conducteur.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant