Chapitre 29

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C'est aux alentours de dix-neuf heure, quatre jours plus tard, que j'ai reçu son message.

J'étais dans la cuisine, à ranger les dernières courses qu'Orlando avait déposé à toute vitesse avant de quitter la maison en me demandant si son nœud papillon sur lequel était imprimé des voiliers en argent de toutes sortes, était bien ajusté. Il était tellement heureux, tellement sûr de lui que je n'ai pas osé lui dire qu'il était légèrement ridicule.

- J'ai un rendez-vous avec une femme ! il avait crié en entrant dans la pièce quelques minutes plus tôt, les bras chargés de paquets remplis de nourriture. Une fois s'être grotesquement débarrassé du tout sur mes genoux, il s'est décidé à me parler de cette américaine, venue tout droit de Portland pour le rencontrer.

- Alicia qu'elle s'appelle, oui oui ! a-t-il affirmé en hochant la tête à la vitesse de la lumière.

Alicia-qu'elle-s'appelait, était une femme d'une dizaine d'année plus âgé qu'Orlando. Rencontrée sur internet, c'était elle qui l'avait dragué en premier, lui demandant s'il savait faire l'amour aussi bien qu'elle pensait qu'il savait faire les nems.

A la suite de quoi il était tombé en amour. Cette Alicia n'avait rien de catholique si on ne s'en tenait qu'à cette fameuse phrase d'accroche et à la photo de profil d'une femme mûre avec un joli décolleté, une utilisation excessive d'auto-bronzant et une bouche en canard que m'avait montré mon visiteur. D'après Or-sexxy-lando, elle n'avait rien de superficiel. C'était simplement une femme divorcée qui avait besoin de pimenter sa vie en rencontrant un, je cite « beau jeune homme avec un peu d'exotisme ». Quoi qu'il en soit, elle l'avait invité à sortir dans les environs, et il m'avait planté dans la cuisine pour partir la rejoindre, averti d'être prudent par mes soins.

Je venais de glisser les twizzlers dans une jarre pour ensuite les placer sur une étagère quand Flynn m'a envoyé un sms. Je l'ai ouvert en serrant les mâchoires lorsque j'ai vu les premiers mots s'afficher sur mon écran encore verrouillé.

« Ta mère a des soucis. Elle est chez les flics. »

- Merde ! je n'ai pu m'empêcher de hurler, faisant ensuite tomber le pot de verre à mes pieds.

Je me suis empressée d'appuyer sur la touche épaisse de mon téléphone pour voir apparaître la suite du sms.

« Ta mère a des soucis. Elle est chez les flics. Je suis passé chez toi, et l'appartement était vide. Ta mère n'était pas là, les meubles non plus. Il faut qu'on parle. »

- Merde merde merde, j'ai continué en murmurant, une main moite posée sur le front.

C'est à ce moment-là que Park est arrivé d'un air inquiet, de sa chemise claire incrustée d'un motif que je n'ai pas pris le temps de relever, et de son vieux jogging gris.

- Qu'est ce qui se passe ? C'était quoi ce bruit ? a-t-il demandé, avant de se rendre compte qu'il s'apprêtait à marcher sur les morceaux de sa réponse.

Je n'ai rien dit. Il avait compris. J'étais paniquée, tétanisée, terrifiée. Terrifiée qu'il ait pu lui arriver quelque chose. Est-ce que ma mère était partie sans même m'en avertir ? Impossible, elle n'avait pas bougé depuis des mois.

J'ai serré les dents et j'ai fait volte-face, la tête remplie de suppositions qui avaient débarqué aussi vite que les poux dans la classe de Mademoiselle Mills, en primaire. J'ai remué la tête dans tous les sens, cherchant du regard un balai qui au final, se trouvait depuis le départ sous mes yeux. Je l'ai pris de mes mains tremblantes et j'ai commencé à nettoyer. Mais mes pensées ont rapidement divagué sans même que je ne m'en aperçoive. J'avais du mal à savoir où j'étais. J'avais beau essayer de me raccrocher à la réalité en mordant la peau de mes joues creuses, cette image d'elle était toujours présente, bien décidée à ne pas se gommer. J'y voyais ma mère. Cette mère au visage absent dont je n'ai jamais réellement été proche. Celle qui avait le mauvais rôle face à mon père. Celle qui s'était totalement effacée ces derniers mois mais que je continuais pourtant de chérir.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant