Chapitre 27

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Je suis restée là, et j'ai pleuré. Je ne sais plus trop pourquoi. Certainement la culpabilité et l'agacement qui font qu'on en peut plus. Qu'on craque. Que les nerfs lâchent et qu'on arrive plus à s'arrêter. J'étais fatiguée de tout, et pourtant je passais la plupart de mes journées allongée sur mon lit comme une épave. Oui, c'est ça, une épave était le terme exact.

J'ai sillonné les pièces pour atteindre ma chambre. Je devais dormir. Pour oublier cette journée, pour oublier cet endroit. Jusqu'à ce que le soleil me ramène à cette dure réalité.

J'ai d'abord cru à des coups de vents. C'était fréquent depuis quelques jours, que le froid frappe les carreaux en faisant trembler les portes. Mais cette fois, le bruit était nettement plus sourd, nettement plus sauvage. Alors je suis sortie de mon lit en panique, j'ai atterri dans mon fauteuil, et j'ai avancé dans le noir, terrifiée, sans grande conviction. J'ai quitté la pièce en me rapprochant de la source de ce boucan. Et plus je réduisais la distance, plus les battements de mon cœur étaient rapides. Les tambourinements violents ont persisté. J'en ai tressailli. Dans l'obscurité, j'ai discerné la guitare de la demeure que Park s'était approprié, je l'ai aussitôt agrippé sans vraiment réfléchir. J'ai passé la tête hors du couloir étroit, et j'ai jeté un coup d'œil au salon, m'assurant que tout était normal. Et effectivement, tout semblait être à sa place ; pas de chaise à terre, de vaisselle fracassée ni de carreaux brisés et aucune silhouette d'un quelconque braqueur à l'horizon. Alors je me suis résignée à faire demi-tour, pas plus rassurée pour autant. Je m'apprêtais à rebrousser chemin lorsque les agissements ont repris de plus belle, et c'est alors que j'ai compris que ça venait de l'extérieur. J'étais curieuse. C'était un de ces traits qui figurait en haut d'une longue et interminable liste de défauts. Alors au lieu d'aller me terrer dans ma chambre en veillant à ce que la porte soit bien verrouillée pour que personne ne puisse rentrer, je me suis rapprochée calmement de l'entrée tout en fixant ce qui ressemblait fortement à une ombre d'apparence humaine de l'autre côté de la fenêtre. Une fois assez près, je me suis arrêtée. Les yeux décontenancés devant cette silhouette imposante, je restais figée, ne sachant absolument pas quoi faire. La guitare était toujours sur mes genoux, et je m'étais jurée à moi-même de m'en servir en cas d'attaque. J'ai étouffé un cri lorsqu'une main s'est écrasée contre le carreau, me faisant sursauter par la même occasion.

 J'étais prête. Si ce bandit voulait entrer, j'avais de quoi le faire ressortir. Mais malgré mes tentatives –légèrement pathétiques- d'auto réconfort, j'avais du mal à garder le contrôle. Mon cœur cognait contre mes tempes, s'apprêtant à jaillir de ma poitrine. La tempête et son atmosphère pesante n'arrangeait rien à ma panique, et ne faisait que m'oppresser davantage. J'aurais voulu que Park soit là, j'ai pensé tout bas. Mais il ne l'était pas. Et je me retrouvais livrée à moi-même, dans une maison plus âgée que Merle, avec un voleur sur le dos, et dont la discrétion ne faisait apparemment pas partie du plan. Mon regard est passé de ce visage trouble que j'apercevais furtivement derrière le carreau, à la poignée de la porte qui s'agitait dans tous les sens. Il essayait d'entrer. Et malgré tous mes efforts pour essayer de garder mon calme, je ne pouvais m'empêcher de respirer bruyamment. C'était comme si je venais de courir à marathon et qu'il m'était difficile de reprendre mon souffle. J'ai fermé les yeux quelques secondes pour tenter de récupérer un rythme cardiaque ordinaire, mais pas seulement : je voulais essayer de mettre fin à ce qui semblait être un autre de ces cauchemars, mais qui, en ouvrant les paupières, m'avait semblait bien réel. Il allait entrer. Ce n'était désormais plus une supposition. Je ne pouvais pas crier au secours, personne ne m'entendrait à par lui, et c'était tout sauf ce dont j'avais envie. Alors je me suis cachée derrière une commode sur laquelle étaient posées quelques pièces de monnaie ainsi qu'une brochure sur le peu d'activités qu'il y avait à faire en ville. Je voulais le prendre par surprise, le frapper là où ça fait mal jusqu'à ce qu'il s'évanouisse, pour ensuite appeler le 911 tout en gardant un œil sur l'homme à terre que je serai parvenue à maitriser avec brillot. Mon regard aussi déterminé que paniqué ; guettait la poignet, tandis que mes oreilles se concentraient sur les bruits qu'elle émettait. J'étais parée. Je n'attendais que lui. Puis je l'ai entendu ; ce petit son que je redoutais. Ce petit son que la poignet avait émis une fois déverrouillée. Ce petit son qui voulait dire qu'il s'apprêtait à passer la porte. Mes narines se sont dilatées, et mon souffle s'est fait plus bruyant à nouveau. Alors j'ai fermé les yeux, et j'ai tenté de me focaliser sur autre chose que sur les lourds pas qui claquaient sur le parquet fragile, en vain. J'ai passé la tête en dehors de ma cachette, et j'ai aperçu un homme de grande carrure, tapi dans l'ombre, qui s'avançait d'une démarche hésitante vers le salon. C'était le moment. Il était assez près. Sans qu'il s'y attende je suis sortie de ma planque pour me lancer jusqu'à lui, et j'ai poussé un rugissement en le frappant de toutes mes forces au genou. Mais le coup administré n'avait pas atterri là où je l'aurai souhaité. J'avais sous-estimé le poids de l'instrument.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant