Chapitre 59

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Ce n'était pas Fascination, mais la voix des Joy Division faisait tout à fait l'affaire en terme de réveil.

Ce n'était pas un matin enneigé, mais le soleil lui, ne m'avait pas quitté.

Les jours défilaient et aucun ne semblait se ressembler.

Et pourtant, même après quatre mois à éviter de croiser son regard dans les journaux, je m'étonnais toujours à revenir vers lui. D'une façon ou d'une autre.

Cette façon-là c'était ; moi, Mabel Clark assise sur mes WC, ayant décrocher avec impuissance, à un appel qui portait son nom. Je ne l'avais pas voulu, mais ça avait été plus fort que moi, comme si une petite usine résidait en moi et que son seul but était de répondre à ce contact.

Je suis restée bouche bée, assise sur ma cuvette, les lèvres tremblantes, les mâchoires prêtent à se serrer, mon air parait à se figer, ma voix à se raffermir. Mais c'était tombé à l'eau. A la minute même où j'ai entendu son souffle dans le combiné, je me suis sentie vaciller. Comme si je m'étais retrouvée une nouvelle fois en haut du phare, et que j'étais prête à me jeter sur les rochers.

Il n'a pas parlé. Il a laissé le rythme saccadé de son souffle le faire à sa place. J'ai d'abord cru qu'il avait dû m'appeler par accident, comme dans cet épisode de How I Met Your Mother, où le père de Marshall lance un coup de fil à son fils par mégarde. Mais non. Je l'entendais bien là, cette respiration rythmée et bruyante qui venait de sa bouche.

Je n'ai pas sorti de « Allo » habituel.

Je ne voulais pas que ce soit habituel. Rien n'était habituel avec Park Byers. Je voulais que ça reste ainsi. Qu'il ne parle pas, mais qu'il ne raccroche pas pour autant, je voulais l'entendre sans l'entendre non plus.

J'avais l'impression de revenir d'un marathon. Je sentais des gouttes de sueur fictives couler le long de mon front, et mon cœur semblait ne plus répondre présent.

- Descends. Son ton sec et pourtant si serein résonnait à mes oreilles en un écho. Park. Il venait de me parler.

- Quoi ?

- Je te demande de descendre.

Et avant même que je n'ai le temps de répliquer une nouvelle fois pour lui poser la même question, il avait déjà raccroché.

- Mabel, est-ce que ça va ?

En sortant des toilettes, je n'étais pas parvenue à retrouver mes esprits. Où est-ce qu'ils étaient ? Certainement en bas. A la rencontre de ce qui m'attendait si je quittais l'immeuble.

- Je crois, oui, j'ai répondu à Flynn, un peu secouée.

Après m'être assise bien sagement sur le canapé, je me suis demandée si cet appel avait vraiment eu lieu, bien que mon visage décomposé et mes mains moites semblaient le confirmer. Pourtant, je refusais d'y croire. Après tout il ne voulait pas quitter mes pensées, mon cerveau avait très bien pu se l'imaginer. Imaginé son souffle, imaginé sa voix, imaginé son ordre... 

Pour en avoir le cœur net, j'ai repris mon fauteuil, et j'ai filé jusqu'à la fenêtre de la manière la plus normale qui sois, histoire de ne pas mettre d'avantage la puce à l'oreille de mon ami, lui qui surveillait sans cesse mes faits et gestes.

En bas de l'immeuble ; rien d'anormal. Les petits du quartier s'étaient remis à courir après le vieux ballon que je leur avais filé en fouillant dans des cartons, tandis que leurs frères trainaient sur les marches des appartements d'en face en se demandant ce qu'ils pourraient bien faire de leur fin d'après-midi. Au final, ils resteraient là, à commenter les derniers matchs de baskets qu'ils avaient vu durant la nuit. Mais moi, je ne voulais pas rester là. Il y avait cette voiture, au coin de la rue. Et sans grande certitude, je savais qu'il était là, juste là, assis bien sagement derrière ces vitres teintées qui semblaient m'observer.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant