Chapitre 63

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J'ai fini par me résoudre, après deux bonnes heures passées sur mon matelas, qu'il était peut être temps pour moi de sortir de mon lit. J'avais fixé le plafond pour ne le quitter que les rares fois où je clignais des yeux. Je l'avais fixé, et j'y avais déposé le souvenir de la veille ; celui où je redécouvrais mes bonnes vieilles étoiles, celles qui m'avaient accompagné dans mes pires comme dans mes meilleurs moments, dans mes doutes comme dans mes certitudes. Aujourd'hui elles n'étaient plus là. Parce qu'hier je leur avait dit au revoir. Et tout ce qu'il me restait d'elles, c'était moi. Moi, et ma mémoire photographique qui jusque là ne m'avait pas fait défaut. Je visualisais encore les traces épaisses qu'avait laissé le surplus de colle sur le plafond, m'attardant sur leur forme, en sachant très bien que le lendemain, je ne m'en souviendrais certainement plus. Quant à la disposition des étoiles, à leur nombre et à leur tailles, j'espérais qu'il me restait une bonne semaine.

Je voulais partir. Il n'y avait pas de doute sur ce fait là. J'aurai pu aller n'importe où où Park se serait rendu, n'importe où où il m'aurait susurré du Blaze Foley. Sur un iceberg entouré d'autres blocs de glaces, ou sur le sable brulant, là où des dunes s'étendraient à perte de vue.

Je l'aurais fais si je l'avais pu. Mais je ne le pouvais pas. Il y avait ma mère, il y avait Flynn.

Il était midi. Comme à chaque fois que je déniais poser mon dos contre le mur pour me convaincre moi même d'une impossible chance de se rendormir, j'ai attrapé mon ordinateur portable dans le but de regarder des miraculeuses petites annonces dernièrement mises en ligne. Il y avait de cela plusieurs mois, j'avais pris la décision de m'attarder sur des recherches plus ou moins intensives de petits jobs. Madame Romero, qui vivait à l'étage du dessous, m'avait à plusieurs reprises confié sa librairie lorsqu'elle devait s'absenter pour aller rendre visite à sa fille dans l'Ohio, elle qui souffrait depuis son récent divorce. Romero disait qu'elle voyait en moi une amie des livres. Je lui disais qu'elle se trompait, que les bouquins et moi, on avait jamais vraiment été très copains. Mais elle m'a assurée que ça viendrait. Qu'au fur et à mesure, j'apprécierai l'odeur de leur pages jaunis, la marque laissé sur les dos, et les couvertures abîmées par les années.

Elle m'avait confié quelques uns de ses bouquins préférés ; et c'était vrai, je les avais dévorés. Ces histoires dont elle m'avait parlé, elles étaient fougueuses, elles étaient constantes; comme les étoiles. Je les voyais un peu comme des astres accessibles au touché de l'être humain. Elle avait proposé de m'embaucher à temps plein, mais j'avais gentiment refusé. Non pas parce que je n'en avais pas envie, mais plutôt parce que je savais qu'elle n'avait pas les moyens de me rémunérer. Alors il arrivait parfois que je descende à sa boutique pour l'aider bénévolement en rangeant les ouvrages sur les étagères auxquels ils répondaient. Et quand ma tâche prenait fin, elle me remerciait en me prêtant un autre de ses chefs d'oeuvres, que je venais lui rapporter généralement le jour qui suivait.

Peut-être que c'était ce dont j'avais besoin. Peut-être qu'ils étaient là pour compléter les étoiles. Après tout eux aussi me faisaient réfléchir, ils me faisaient oublier. C'était pourtant de simples objets. Cependant, entre leur pages, une nuancé d'histoires, de réflexions et de morales s'y abritaient.

Le jour où j'avais décidé d'envoyer un message à Parkles pour le prévenir du départ de ma mère en institut il y avait de cela trois semaines, alors qu'aucun de nous deux n'était déterminé à s'écrire, je m'y trouvais ; dans cette librairie de Madame Romero. Je récupérais, comme à mon habitude, les bouquins usagés que de généreux donateurs du quartier et des rues voisines nous léguaient, pour les étiqueter. Dans l'un des cartons, j'avais retrouvé son livre ; un exemplaire similaire que celui qui trônait sur sa table de chevet, le soir où j'avais pénétrer dans sa chambre pour la première fois ; cette même fois où je l'avais aidé à se coucher.

LIGHT HOUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant