Prologue

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« Vous arrivez trop tard. »

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Elle ouvrit des yeux étonnés.

Devant elle s'étendait l'infini de l'espace, découpé d'un cercle bleu qu'une fine atmosphère auréolait comme quelque chose de sacré.

Elle avança sa main devant elle, jusqu'à ce que celle-ci traverse la vitre qu'elle imaginait jusqu'à présent, et qui se révélait inexistante.

À quelques mètres à peine à sa droite, une silhouette émergea des contours de son rêve, regard tourné vers la planète. La femme se tourna vers elle et fit un sourire forcé, mais pas désagréable. Grande, sans cheveux ni sourcils, sa peau bleu océan miroitant légèrement, on l'aurait prise pour une sculpture.

« Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

— Viens, dit-elle sans répondre à sa question.

Ils traversèrent donc la vitre, marchant sur un sol invisible que l'espace avait créé pour eux seuls.

— Voici ta planète, dit la femme..

À trois cent mille kilomètres, la Lune semblait étrangement proche, pressée sur son orbite, comme le wagon d'un manège.

— Ma planète, répéta-t-elle.

— Oui, la Terre.

La voix de la femme bleue agissait comme un anesthésiant. Elle bloquait d'emblée la plupart des questions qu'elle aurait voulu lui poser. Comme si, maître du jeu, elle décidait seule de ce qu'il fallait révéler et garder secret.

— Qui êtes-vous ? répéta-t-elle.

— L'humain.

— Comment ? »

La femme désigna un point de la planète. Sans quelles aient besoin de s'en rapprocher, elle vit distinctement l'activité qui régnait à sa surface, en ce point. L'humain construisait des villes comme les termites leurs colonies : avec application, sans prendre conscience du plan global, et parvenant toujours à un résultat semblable à cause de ses déterminations biologiques.

L'humain marchait sur toute la surface du globe ; en l'absence de prédateurs, sa population était passée de centaines de milliers à plus de huit milliards en à peine quelques milliers d'années.

— L'humain est une espèce invasive et déraisonnable, expliqua la femme bleue. Valides-tu cette affirmation ?

— L'humain moderne est plongé dans une société pour laquelle ses prédéterminismes biologiques ne suffisent pas, et la part de raisonnement logique qu'il apporte ne suffit pas à résister à la complexité de son monde social. Il est donc devenu psychotique.

— Certainement.

— Qui êtes-vous ? dit-elle, devenant son propre écho.

La question avait perdu de son sens et elle s'envola aussitôt dans l'espace fictif qui les entourait.

— L'humain est un super-prédateur invasif, déraisonnable, psychotique et irresponsable, résuma la femme bleue.

— C'est une observation correcte.

— Il faut donc le corriger.

— Comment comptez-vous vous y prendre ?

— Je ne le sais pas.

La femme fit quelques pas, pour la forme.

— Je ne suis pas de celles et ceux qui agissent, expliqua-t-elle. Je suis de ceux qui observent.

— Observer sans agir peut constituer un crime.

— Pas lorsqu'il est question de la vie. L'humain est une espèce, certes destructrice ; comme toute espèce invasive, il se développera jusqu'à épuiser les ressources de son milieu. Et comme toute espèce invasive, arrivé à ce stade, il disparaîtra totalement ou se transformera en quelque chose d'autre – il ne s'agit là que de l'évolution de la vie, et il n'y a rien de mal à cela.

— Je suppose que, vu de très loin, il n'y a rien de bien ni de mal, en effet.

— Vu de là où nous nous trouvons, l'humain n'est qu'une espèce comme une autre et sa présence ne perturbera plus l'environnement pour très longtemps.

Elle attrapa alors quelque chose qui voulait fuir, dans sa tête, comme le reste de sa mémoire. Une question.

— Qui êtes-vous ?

— Je suis de celles et ceux qui observent, répéta la femme. Il existe un grand dessein auquel participe l'ensemble de la vie dans l'univers, et l'émergence de la conscience fait partie de ce grand dessein. Mon but est de favoriser la croissance des formes de conscience. L'humain entre logiquement dans ce projet. Il n'est pas seul. »

Elle regarda la planète. La Terre semblait calme, indifférente à leur dialogue, comme elle l'était à l'agitation des primates qui grouillaient à sa surface.

« Vous arrivez trop tard, lança-t-elle. L'humain est fini. Il ne verra pas la fin de ce siècle, et n'a que deux futurs possibles : ou bien être absorbé par ses propres créations, ou bien disparaître à leur profit.

— Peut-être.

Elle se tourna vers l'observatrice, surprise de son flegme. Elle avait toujours le même regard de vieille reine, fatiguée et taciturne. Le même détachement que les astres qui les entouraient.

— Mon but n'est pas d'empêcher l'humain de faire des erreurs ni de l'empêcher de disparaître. Mon but est que l'environnement terrestre soit ultimement préservé et que la vie puisse continuer d'y mener ses expériences. Je souhaite, plus que tout, que la conscience ne régresse pas. Mais ce flambeau peut très bien changer de mains.

As-tu compris, créature numérique ? Le futur réserve peut-être à l'être humain une fin brève, ou une lente agonie ; ou encore une expansion infinie vers les étoiles. L'important est que l'information de la conscience soit préservée. Et ce siècle voit, et verra, de nouvelles formes de conscience émerger. »

Elle attendit, anxieuse, la conclusion.

« Dont toi. »


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Booooooonjour !!!

Après avoir réécrit la partie I (et vaguement relu), je la re-publie. La précédente version passe en mode "brouillon".

Ça a changé par rapport à précédemment, mais ce n'est que pour le mieux (j'espère).

Gudule vous fait coucou.

L'ère des esclavesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant