70. Le don de vie

68 17 10
                                    


« Mon temps s'arrête ici. »

2105


L'homme de main frappa à la porte avec violence. À demi dissimulées sous les vestes de cuir, les armes feulaient en attendant leur pitance.

« Je vais voir », dit Adam aux deux okranes.

Iels éteignirent la lumière pour cacher leur présence. Anxieuse, Aléane s'accroupit contre le mur, à côté de Lysen, les yeux posés sur le quadrant qui retransmettait la conversation. Les caméras qui surveillaient l'extérieur étaient connectées à l'esprit d'Adam, au réseau Aleph, maintenant à elle.

« Bonsoir, Kevin.

— 'Soir, doc.

— Bonsoir, Arthur.

— 'Soir, mec.

— Vous désirez me voir ? Y a-t-il un problème ?

— On a un problème, en effet.

— Puis-je y faire quelque chose ?

— Ça peut se corriger, en effet.

Kevin craqua une allumette, porta la cigarette de tsamb à ses lèvres. La braise brillait par intermittence, comme une lampe-tempête bravant la nuit vorace.

— Mes infos me disent que des gens sont arrivés il y a deux jours dans le quartier Est. Ils ont chopé des gars et ont commencé à interroger. Ils n'étaient pas très conciliants. Pas très sympathiques. Pas comme la police locale. En creusant un peu, j'ai appris qu'il s'agissait de la BSA. Brigade de surveillance des autonomes. Je savais même pas que ça existait. Un genre de bouche-trou quand le BIS n'a pas que ça à foutre.

Le potentat local écrasa la cigarette sous son pied.

— Ça te dit quelque chose, doc ? Moi oui. J'ai rapidement fait un rapprochement. Il semblerait qu'ils l'aient fait aussi. Pas plus tard que ce matin, une photo circulait, celle de deux gars entrant par l'arrière de l'arène Le Colisée, un mois avant que la police ne la ferme pour paris illégaux. Ils avaient mis la main sur les images de ces vidéos et avaient tout balancé dans des cartons ; or nos potes bureaucrates ont dû avoir la bonne idée d'éplucher tout ça. »

Adam ne montrait pas de signe de nervosité, mais son activité sur le réseau Aleph augmenta en flèche. Il écoutait Kevin, mais dans le même temps, complétait ces informations. Oui, le BIS avait remonté la piste de Denrey, soupçonnant une cellule de la LDA versée dans des activités illégales ; le signalement d'Adam avait circulé. Ils avaient fait les recoupements cruciaux.

« Ce midi, ils étaient encore plus proches de chez moi, à la recherche d'un gars dont ils avaient la photo. Mais personne ne l'avait jamais vu dans le quartier. Il y a une semaine ce mec existait et s'appelait Fernandez. Curieux, hein ? »

Une dalle de béton toute fraîche avait certainement été coulée au fond d'une cave, dans une maison du quartier occupée par une famille « sans histoires ».

« Si ce que vous dites est vrai, annonça Adam, dans ce cas vous faites bien de m'en informer. Je vais donc partir.

— C'est ce que je voulais entendre, dit Kevin.

Aléane tira vers elle son sac de voyage. Elle compléta un pistolet à demi démonté, modèle en céramique léger et indétectable. Ils étaient déjà prêts à partir. Toujours.

— Vois-tu, doc, le problème est entre les hommes en noir et toi. Le problème, c'est que si tu pars d'ici, ils passeront quand même le quartier au peigne fin, à la recherche de tous les indices qui les mèneront à toi. Y compris de tous les gens qui t'ont croisé. La police se fout de savoir si quelqu'un se fait la malle, elle s'occupe du local. Le BIS poursuit les gens partout, sans répit. Tout le monde sait ça. Alors, mon gars, je ne sais pas ce que tu as fait pour les attirer, je m'en fous. Mais puisque c'est bien toi le problème, j'ai une seule solution : leur offrir ta personne sur un plateau. Démonstration. »

L'ère des esclavesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant