76. L'oncle North

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« Et puis, ils ne sont pas humains. Ce sont des animaux parlants. Tant qu'on n'a pas vu leurs visages. »

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« Tout ceci, dit Diel, n'est qu'à un pas du silence. »

Adam le vit émerger du vide de l'espace, silhouette humaine teinte en bleu, parcourue d'ombres.

La Terre, la Lune et la planète Mars circulaient autour d'eux comme des astres sur un mobile.

« Les choses complexes émergent de l'instabilité, mais ce même chaos qui a présidé à leur création, peut causer leur destruction. Il suffit d'un instant, d'une mise en mouvement.

— Cette faiblesse est inhérente à toute la Vie, il est impossible de s'en prémunir.

— J'ai cherché comment. J'ai cherché comment écarter définitivement les conscients de ces précipices infernaux.

— As-tu trouvé ?

— Je voudrais tellement, d'un claquement de doigts, faire des humains des anges. Mais Rama n'y était pas parvenu, et je n'y parviendrai pas plus que lui, pas seul.

Il désigna un point dans l'infini de l'espace.

— Il existe, dans cette direction, un système planétaire sur lequel la vie est apparue. Je l'ai perçue. Ce sont des créatures aquatiques sans yeux pour lesquelles la conscience est un processus collectif – elle naît de l'association de plusieurs de ces polypes. Ayant une histoire biologique différente de celle de l'humanité, basée exclusivement sur la coopération, ils n'ont jamais inventé la violence. Ils ne peuvent pas imaginer ce dont il s'agit. Dans mille ans, peut-être, ils traverseront l'espace ; ils viendront sur Terre, ils viendront sur Raven. Que trouveront-ils ici ? Que verront-ils ?

— Nous ne pouvons pas le deviner.

— L'ordre des choses est cruel. C'est peut-être le rôle de la conscience que de s'élever contre lui ; peut-être qu'ainsi, nous gagnerons notre place dans l'univers.

— Pourquoi gagner ?

— Nous aurons mérité d'exister.

— Exister ne se mérite pas, puisque personne ne l'a choisi.

— Je ne sais pas.

— Recherches-tu, toi aussi, la réponse à la question de Rama ?

— Je cherche à construire cette réponse. Je veux que le monde soit préférable au silence ; et pour ce faire, je veux que les consciences s'associent dans un seul chant, qu'elles transcendent l'univers d'une manière inimaginable encore. L'Exadiel n'est qu'une étape sur ce chemin menant à l'harmonie. La libération des okranes, l'éveil des alephs, rien que des étapes... »


***


Lysen avançait sur les cailloux, coudes en sang, traînant derrière lui le poids mort de ses jambes. Il avait le sentiment de devoir avancer, encore. Une feuille de papier volante s'effilochait entre ses doigts. Des directives pour contrer l'épidémie ; les suivre n'avait pas suffi, d'un bord comme de l'autre.

Il cracha du sang et une de ses dents. La douleur montait dans son ventre, aussi brûlante que celle qui mordait déjà son cœur : Aléane était morte.

« J'ai cru que nous pouvions y arriver », dit Diel.

L'humanoïde bleu roi posait sur lui ses yeux, comme si Lysen était le dernier représentant des deux races, responsable du massacre.

L'ère des esclavesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant