77. Aulna

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« Toi-même, tu persistes à nous imposer une manière d'agir. »

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« Pourquoi est-ce que l'ALA a été créée ?

Aléane jeta un froid sur la salle à manger.

— Tu sais, commença Denis, euh... tout commence avec la LDA, censée s'occuper de vous, inventée par des idéalistes comme nous...

— Que dalle, dit Loïs. C'étaient des bourgeois, des propriétaires plein de bons sentiments mais pas foutus de se passer des autonomes, alors ils se sont mis dans la tête de défendre leurs droits.

— Comme tu veux. C'était déjà pas si mal. Ils faisaient des réunions et des débats.

— Puis ?

— Puis, eh bien...

Il mordit dans un morceau de pain.

— Puis ils ont vraiment commencé à manger dans la main de BD.

— Du coup, ironisa Loïs, ils ont commencé à oublier un peu le but initial de leurs démarches. Des droits pour les autonomes ? Oh non, vous n'y pensez pas, ils en ont déjà assez. Maintenant faire partie de la LDA, c'est bon pour le CV.

— Faire partie de l'ALA, en revanche, ça envoie en prison.

— Vous avez un but revendiqué ?

— Égalité des droits, dit Loïs. C'est simple. C'est super simple, tellement que même Anthony a compris.

L'intéressé s'étouffa dans sa soupe.

— Les exploitants, les politicards, les commerciaux de BD, et les brigades internationales à leur botte, ils sont tous pourris depuis cinquante ans au moins.

Denis crut pouvoir placer une autre réplique, mais Loïs avait pris la tête.

— Je ne sais pas ce que vous faisiez là-bas ni pourquoi on vous a récupérés, tous les deux, mais si vous vouliez vivre en paix, c'est pas possible. Le seul moyen c'est de vous soulever.

— Ça viendra, assura Anthony, ça viendra.

— Non, lança Loïs avec beaucoup d'animosité, ça ne viendra pas ! C'est des moutons, avec les loups en face, qui veulent leur faire bouffer de l'herbe. Quand il faut se battre, il faut le faire avec de vraies armes. Vous ne pouvez pas essayer de convaincre des loups. Il faut leur défoncer la gueule à coups de barre de fer. Et vous êtes assez nombreux pour faire ça.

— Poétique, commenta Strykes.

Il s'était gardé de mentionner sa situation quelques années plus tôt.

— Que sont devenus les autres okranes de la ferme ? demanda Lysen.

— Au bout d'un moment, ils sont partis. Je ne sais pas par où. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. Je sais que vous ferez pareil.

— Je ne crois pas que la guerre soit préférable, rétorqua Aléane à Loïs.

— Dis ça à ceux qui souffrent.

— L'histoire du monde est une succession de guerres dans lesquelles chaque camp a tout perdu, et rien gagné. Alors, parle de ceux qui souffriraient si la Terre se déchirait. Ils sont bien plus nombreux.

— Ce n'est pas ça, grimaça la jeune membre de l'ALA. Tant pis pour les humains. Ils sont foutus, de toute façon, tous foutus. Ce sont des porcs qui ont fait leur temps. Violents, égoïstes, ingrats et hypocrites.

L'ère des esclavesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant