« L'important, c'est de courir. »
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« Est-ce que vous croyez que les bactéries poussent sur les arbres ?
La phrase sonnait mieux avant qu'il ne la prononce. Noël Douglas serra le poing.
— C'est bien gentil, de vouloir arrêter la maladie de Kleen avec une bactérie, mais déjà... un virus serait plus adapté.
— Vous avez la compétence nécessaire pour le faire.
— Nous avons la compétence, mais les moyens pour créer sur mesure...
— Arrêtez de tourner autour du pot, Douglas ! Votre père fondateur, Marc Gérald, comme il le dit si bien, a fait ça en six mois dans son garage ! »
C'était la pire chose à faire que de rappeler à Noël Douglas qu'il n'était qu'un bureaucrate qui avait réussi. Le véritable génie scientifique était derrière lui – dans le passé devenu légendaire de Biodynamics.
« Je vous dis simplement que nous ne sommes pas certains d'arriver à un résultat concluant, haleta-t-il.
— Vous faites pousser des organes humains dans des bocaux, Douglas. Vous produisez quarante millions d'autonomes par an. Ce que vous me dites est tout simplement absurde. »
L'homme, un membre d'une obscure commission dont la seule finalité était de mettre une pression intolérable à BD pour obtenir des actions, prit une expression de cafard, comme s'il faisait quelque chose de désagréable – par exemple, casser en deux un stylet d'artifeuille.
« Mais les organes humains, nous en connaissons déjà le code génétique ; nous connaissons déjà les processus. Nous savons produire les cristaux dans des tubes pour la forme des os, injecter des cellules et des amas de protéines, diriger des cellules-souches humaines dans leur évolution, imprimer en 3D des foies... certains muscles nous échappent toujours, vous l'aurez remarqué.
— Tout ce qui vous échappe, ce sont les domaines dans lesquels vous n'injectez pas assez d'argent en R&D. Vous êtes en train de me dire que vous abandonnez les bactéries ? Mais pour faire quoi ? Les autonomes ? Non, pas de recherche sur les autonomes, ça n'a pas bougé depuis cinquante ans. Mais quoi... ah, non, la médecine. Les rétrovirus.Tous vos chercheurs sont sur ces maudits rétrovirus. »
Douglas s'épongea le front. Il avait peur, non pas de ce petit fonctionnaire débile, mais de tout ce qu'il représentait. Une classe politique, une opinion publique pouvait se retourner en un rien de temps contre ses bienfaiteurs.
« Vous aussi vous aurez deux cancers dans dix ans et vous serez bien content de pouvoir les soigner.
— Seuls dix pour cent des malades ont de quoi se payer un traitement rétroviral de chez vous, Douglas, et comme vous avez tué la recherche publique dans le sujet, personne n'en bénéficiera jamais de la part d'une aide médicale d'État.
— Bof, ça, ça n'existe plus.
— Remettez vos équipes en place et faites vos fichues recherches. Tout ce que vous voulez. Il faut que vous détruisiez la bactérie de Kleen.
— On pourra faire un bactériophage », dit Douglas, sortant le mot le plus gros qui lui venait à l'esprit pour calmer le fonctionnaire.
Il se souvenait pourquoi Biodynamics était dans une situation délicate.
Pour le moment, l'entreprise profitait d'une situation de quasi-monopole. Mais un concurrent s'était présenté. Novum. Et promettait de commercialiser dans un an son premier humanoïde hybride, le remplaçant direct des autonomes.
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L'ère des esclaves
Science Fiction-- Premier volet dans la trilogie Diel -- « L'homme est un super-prédateur qui a su s'adapter à de nombreux milieux, il s'est développé jusqu'à peser sur son environnement, et tôt ou tard il devra évoluer, ou disparaître. Nous savons que quelque c...