« L'un des deux camps aimait Katia, et la voyait comme une personne ; l'autre comme un objet. L'opposition était inévitable et ne mènerait à rien. »
2052
Katia dit ses premiers mots au bout de deux semaines ; en trois mois, ses cheveux poussèrent jusqu'à tomber sur ses épaules.
Ses nuits se firent courtes et le concours de tout le centre fut bientôt requis pour l'occuper. Eliott et Adina se relayaient. Elle ne sortait pas encore ; seules les fenêtres du bâtiment, les pages des livres et les écrans de télévision lui prodiguaient une ouverture sur le monde.
Elle ressemblait à un enfant de quelques années, avec de grands yeux gris aux pupilles en fente, des sourcils très fins, verts comme ses cheveux ; un nez et un menton discrets. Ses oreilles se distinguaient à peine sous ses cheveux soyeux, dont la couleur flottante allait et venait au gré des reflets.
Sa voix était parfaitement humaine.
En six mois, elle eut huit ans. Son développement mental rattrapait à toute vitesse sa croissance. Adina, épaulée par un pédopsychiatre, craignait plus que tout de devoir lui expliquer les circonstances de sa naissance. Elle n'eut finalement pas à le faire. Katia, qui observait leur travail, comprenait seule. Elle n'assista pas à la naissance de Lys, son petit frère, mais ne fut pas dupe ; les dossiers, les ordinateurs, les machines des laboratoires n'étaient pas tous mis hors de sa portée ; et rien n'échappait à sa perspicacité naissante.
***
Marc fut tiré hors de la salle de repos par des éclats de voix. Il mit une veste sur ses épaules. Sa chemise fripée de trente-six heures sentait le renfermé et l'excès de déodorant anti-transpiration.
Deux groupes se faisaient face dans le couloir, comme des bandes rivales se partageant un territoire, avec une belle collection d'yeux rougis de chaque côté. À sa droite, Eliott, Adina, quelques-uns de leurs assistants, et Katia bien sûr, les lèvres pincées, signe d'attention. À sa gauche, Enzo, un autre chercheur qui devait se nommer John, et quelques suiveurs.
Des noms d'oiseaux s'étaient échangés, mais les assiettes n'avaient pas encore volé. Il était possible de raccommoder la situation.
« Je vous écoute », dit-il de son air le plus sérieux possible.
Il essayait de se donner des allures de monstre antédiluvien réveillé par mégarde, dont la colère serait terrible, et emporterait d'un seul bloc les misérables employés placés sous ses ordres.
Oui, toi aussi, petite chose fluette aux cheveux verts qui te glisses partout, pose sans cesse des questions gênantes et promène tes grands yeux parmi nous comme si tu sondais nos âmes.
« Je ne suis pas d'accord avec le calendrier, dit Eliott.
Et le grand PDG, tel le roi Salomon, devait maintenant trancher leur litige.
Sauf que Marc était crevé, et qu'il se fichait éperdument de tout ça.
— Tout cela va trop vite, reprit le scientifique. Nous devons d'abord étudier les autonomes finement, avant de se mettre à les vendre.
— Pourquoi ? le railla Enzo. Vous craignez qu'ils aient des défaillances cachées ?
Comble du surréalisme, cette conversation se tenait devant Katia elle-même, qui écoutait sans rien dire.
— Nous devons lancer la communication dès maintenant, reprit l'assistant commercial, les préventes dans trois mois et la production de masse en même temps.
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L'ère des esclaves
Science Fiction-- Premier volet dans la trilogie Diel -- « L'homme est un super-prédateur qui a su s'adapter à de nombreux milieux, il s'est développé jusqu'à peser sur son environnement, et tôt ou tard il devra évoluer, ou disparaître. Nous savons que quelque c...