83. Débarquement

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« Nous allons maintenant appliquer un protocole de défense »

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Les mains de Basil bougeaient nerveusement, comme des araignées animées d'une volonté propre. Il sentait la sueur couler dans son dos, goutte à goutte ; une raideur dans la nuque, signe de fatigue accumulée. Une armée de fourmis courait sur son corps.

Au bout de la table, comme lors de leurs dernières réunions, Maria gardait une impassibilité de statue. Basil avait cherché, derrière cette avenance de façade, quelle volonté secrète pouvait bien se cacher. Mais il n'y avait rien d'autre que de l'honnêteté. Croyait-il. Il n'était plus sûr de rien.

« Nous n'avons pas reçu de confirmation. Vous devriez attendre.

— Il est trop tard, dit-elle. La rentrée a été amorcée. »

Sur les écrans, les radars suivaient la trajectoire des premiers alephs à descendre sur Terre. Les robots gigantesques, repliés comme des insectes dans un cocon, généraient une bulle de vide pour prévenir tout échauffement. Une traînée de condensation et une onde sonore puissante couraient derrière eux.

Deux cent robots environ mettraient en place cette première plate-forme, dans les eaux internationales, de laquelle s'élèveraient les vaisseaux de la migration. Le plus simple et le plus efficace. Une fois que le processus serait en place, l'Exadiel installerait d'autres bases. Basil, et le reste du monde derrière lui, ignorait encore si tous ces okranes émigrants iraient sur la lointaine Raven. Combien d'énergie coûterait leur déplacement ?

Plus que l'humanité n'en avait consommé depuis le début de son histoire, lui répondit sa raison.

Les alephs stabilisèrent leur chute, ralentissant dans les couches inférieures de l'atmosphère. Leurs bulles se doublaient d'un bouclier – un champ physique qui dépensait de l'énergie pour amortir leur descente et les protéger de l'échauffement atmosphérique.

« Ils y sont presque, commenta un des analystes du BIS, bouche bée.

— Numa Thompson ! s'exclama une autre. Ils sont en ligne. La présidente.

— Nous les attendons. »

L'autre écran s'alluma. La présidente du Brésil, visage dur et déterminé, observa la salle en retour comme si elle la jugeait.

« Vous devriez voir, dit-elle laconiquement.

— Les drones, dit l'analyste. Ils ont lancé les drones. »

Elle projeta l'image sur une troisième fenêtre. La barge qui croisait au large du point de rentrée venait de sortir de sa léthargie. Des drones de combat aérien, lourds et armés de puissants missiles air-air, en décollaient sans discontinuer. Une centaine au moins.

« Que faites-vous ? s'égosilla Basil. L'accord international...

— Les négociations n'ont été qu'une mascarade. Vous le savez au fond de vous, directeur. Les okranes ne sont qu'un leurre. Nous assistons à une invasion par une puissance étrangère. Ils sont entrés dans l'espace orbital de la Terre, maintenant dans notre espace aérien. J'ai consulté mon gouvernement. Nous ne pouvons pas laisser une civilisation d'outre-espace d'une telle puissance, quelle que soit son origine et ses objectifs, nous dicter sa loi. Nous avons pris notre décision à l'unanimité. Seuls ou non, nous serons le dernier rempart de l'humanité. Dieu nous vienne en aide.

— D'autres drones ont décollé, indiqua l'analyste. Les navires chinois sont en train de se rapprocher. »

Ils n'attendaient que ce moment. Cueillir les alephs à leur rentrée dans l'atmosphère. Basil, affolé, se tourna vers Maria, qui n'avait pas cillé, puis de nouveau vers la présidente.

L'ère des esclavesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant