88. Diel

107 18 23
                                    


« L'univers est à l'aube d'une transformation. »

2121


La descente étant terminée, les sangles de son parachute s'éjectèrent automatiquement. Retombé, le vent dédaigna la voile.

Le choc avait déchiré sa combinaison, ou endommagé ses réserves d'air. Avant même de se lever, Aléane ôta son casque en urgence. L'atmosphère basse contenait 15 % de dioxygène. Elle respira avec difficulté, s'efforçant de retrouver son calme.

Odin semblait écarter les nuages, victorieux. Loki passa à toute vitesse dans le ciel, selon sa trajectoire oblique, éclipsant une partie du disque rougeâtre.

« Je suis arrivée, Diel. »

Du choc, elle ne garderait que des contusions mineures. Aucun os brisé. Aléane s'assit, regard porté sur l'océan lointain. Un grondement sourd parcourut le sol, connectant son corps à une force immense, cosmique, qui habitait la planète. L'énergie des marées.

Ce serait peut-être la fin.

L'éclat rouge d'Odin fendit la montagne aquatique, d'un bleu minéral, qui montait de l'horizon. La mer remplissait son terrain. Inutile de courir ; l'eau avançait à cinquante ou cent kilomètres à l'heure. Elle examina le sable gris, les dépôts de cristaux salins qui l'entouraient.

L'océan fulmina mais mourut quelques dizaines de mètres avant elle, vaguelette insignifiante.

L'air avait une odeur minérale de sel. Aucune algue n'avait été abandonnée par les flots lors de leur course infernale. On aurait dit une mer de larmes.

« Te voilà », dit Diel.

La femme bleue mimait parfaitement la couleur épaisse, profonde de l'océan. Elle tendit la main vers elle et avança vers les premières vaguelettes.

« Où es-tu ?

— Suis-moi.

— Il n'y a rien que de l'eau.

— Ferme les yeux. »

Bien lui en prit, car une lumière éclipsa l'éclat d'Odin, digne du poing d'un dieu. Un ouragan naissait dans les couches supérieures de l'atmosphère, descendant jusqu'à la surface de Danion, un reliquat affaibli de l'explosion qui aurait dû percer la planète.

« Ce n'est rien, dit Diel. Une épingle d'antimatière. Ils ont espéré pouvoir me cibler, mais leur plan a échoué car ils n'avaient pas ma position précise.

— La navette ne savait-elle pas où se poser ?

— Elle avait le choix.

— Où es-tu, Diel ?

— Partout autour de toi. Viens. »

Aléane retira la combinaison pressurisée pour marcher dans l'eau, qui monta bientôt jusqu'à ses chevilles.

« Parmi tous celleux que j'ai connus, dit Diel, beaucoup ont été emportées par les flots du temps. Beaucoup n'ont pas pu venir sur ces rivages. Tu es celle que j'attendais, Aléane.

— Pourquoi moi ?

— Je ne saurais te le dire. Tu es un esprit parmi tous, un écho parmi tous les échos. Or l'univers n'a pas de centre ; chaque chose est le centre de l'univers. »

L'eau était-elle toxique ? Quels microbes circulaient dans l'atmosphère ? Était-elle déjà perdue ?

Trop tard pour rebrousser chemin.

L'ère des esclavesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant